22 septembre 2009

"Some of these days", la petite mélodie d'Antoine Roquentin : chanson de la semaine #18

"Ça pourrait même être un apologue : il y avait un pauvre type qui s’était trompé de monde. Il existait, comme les autres gens, dans le monde des jardins publics, des bistrots, des villes commerçantes et il voulait se persuader qu’il vivait ailleurs, derrière la toile des tableaux, avec les doges du Tintoret, avec les graves Florentins de Gozzoli et Julien Sorel, derrière les disques de photo, avec les longues plaintes sèches du jazz. Et puis, après avoir bien fait l’imbécile, il a compris, il a ouvert les yeux, il a vu qu’il y avait maldonne : il était au bistrot, justement, devant un verre de bière tiède. Et à ce moment précis, de l’autre côté de l’existence, dans cet autre monde qu’on peut voir de loin, mais sans jamais l’approcher, une petite mélodie s’est mise à danser, à chanter : « C’est comme moi qu’il faut être ; il faut souffrir en mesure. »
La voix chante :
Some of these days
You’ll miss me honey. "
Dans les derrières pages du roman de Jean-Paul Sartre, La Nausée, publié en 1938, Roquentin, le narrateur est au comble de son dégoût pour le monde et sa propre existence. Attendant le train pour quitter Bouville, il est attablé au café, lorsqu'il entend l’air d’une chanson venant d’un phonographe. Il sent alors quelque chose qu’il ne connaissait plus : une espèce de joie.

"Est-ce que je ne pourrais pas essayer... Naturellement, il ne s’agirait pas d’un air de musique… mais est-ce que je ne pourrais pas dans un autre genre… ? Il faudrait que ce soit un livre : je ne sais rien faire d’autre. Mais pas un livre d’histoire […] Une autre espèce de livre. Je ne sais pas très bien laquelle – mais il faudrait qu’on devine, derrière les mots imprimés, derrière les pages, quelque chose qui n’existerait pas, qui serait au-dessus de l’existence. Une histoire, par exemple, comme il ne peut pas en arriver, une aventure."
Jean-Paul Sartre, La Nausée, Gallimard, 1938 (Folio, 805)


Some of these days est une chanson populaire écrite et composée par Shelton Brooks fut éditée en 1910. C'est la chanteuse Sophie Tucker qui la créa sur disque et en rencontra avec un très grand succès. Très populaire pendant la première moitié du XXe siècle la chanson deviendra un standard de jazz, et sera jouée par de nombreux chanteurs et musiciens comme Original Dixieland Jass Band, Louis Armstrong, Cab Calloway, Bobby Darin, Sue Raney, Andrew Bird, Elkie Brooks, Judy Garland et Serena Ryder.(source)