29 mars 2020

My Favorite Things #2 : les albums préférés de Sophie Cornière



Certains albums, tels des poèmes que nous connaissons par cœur, nous accompagnent au long des années, des décennies. Chargés de souvenirs, déclencheurs de nos évolutions, témoins de nos cheminements, énigmes résistant à l'usure du temps, traversant les modes, conservant la fraîcheur de la découverte à chaque nouvelle écoute....

Merci à Sophie Cornière, responsable de la Bibliothèque Saint-Sever, Rouen Nouvelles Bibliothèques, blogueuse, et ancienne présidente de l'ACIM, d'avoir répondu à l'invitation.


1972, Aphrodite’s Child : "666"

J’ai des grands frères et quand j’étais petite c’était eux qui avaient le pouvoir de la musique. J’ai donc été bercée par leur musique, je me souviens très bien de cet album “666” des Aphrodite’s Child. A l’époque je ne savais pas encore ce que signifiait sulfureux et je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas l’écouter. Ce que je faisais bien sûr, et l’une de mes chansons préférées était Hic et Nunc, à cause de son rythme mélodieux et de ses belles envolées ?




1970, Deep Purple : "In rock"

Un autre groupe écouté par mes frères et qui m’a marqué : Deep Purple et l’album “In Rock” avec Child in time, tout comme Led Zeppelin et “Stairway to heaven” d’ailleurs c’est un peu, pour moi comme la comparaison Beatles vs Rolling Stones. Il y a peu, je me suis rendue compte qu’écouter “In rock” était toujours un plaisir alors que ce n’était plus le cas avec “Led Zeppelin IV”.



1978,  Hubert-Félix Thiéfaine : "…tout corps vivant branché sur le secteur ..."

Mes premiers vrais concerts, c’est à dire sans mes frères, la liberté totale. Thiéfaine, c’est une sorte de fascination, des textes qui laissent le champ libre à toutes sortes d’interprétations. Sublimer le glauque. Le seul chanteur dont je connais toutes les chansons par coeur. “tout corps vivant branché sur le secteur…” avec Le twist, la dèche et le reste la Bohème triste.





1978, Kate Bush : “The Kick Inside”

La période Kate Bush, romantisme et henné, les soeurs Brontë, … Kate Bush, une voix féminine envoûtante et une danseuse hors pair, le titre Wuthering Heights, dont avec ma meilleure amie on essayait de reproduire la chorégraphie. évidemment, même si c’est tout l’album que j’écoutais en boucle... “Heathcliff, it's me ! Cathy !” .




1983, Nina Hagen : “Angstlos” 

Une autre voix féminine, dans un tout autre genre. Parmi les meilleurs concerts de ma vie, un show sur scène, une artiste provocante et déjantée, un style musical éclectique tellement riche que c’est toujours une découverte à chaque réécoute. “Angstlos” et New-York New-York, une voix de chanteuse d’opéra qui aurait pris un acide.





2000, "In The Mood For Love (Original Soundtrack From The Motion Picture) "

Pas facile d’en parler car c’est une musique de l’émotion, des sentiments, simple, douce, très sensuelle, elle accompagne parfaitement la rêverie. Je revois les couleurs, les ambiances de ce magnifique film de Wong Kar-wai, avec le fameux thème composé par Shigeru Umebayashi.




2008, Alain Bashung : "Bleu pétrole"

J’ai suivi toute sa carrière, souvent vu en concert, avec des périodes de détestations, mais j’y suis toujours revenue, notamment avec son dernier album “Bleu pétrole” et son dernier concert à Rouen lors de l’Armada en 2008. Malade, il ne pouvait même pas ajuster sa guitare seul, c’est un souvenir triste qui m’en rappelle un autre, celui d’un de mes frères décédé de la même maladie peu de temps avant.





1971, Mort à Venise, thèmes du film de Luchino Visconti, musique de Gustav Malher


J’écoute très peu de musique classique, mais j’ai un faible pour la musique de la fin du 19e, début 20e  siècle. Surtout quand elle accompagne un film comme “Mort à Venise”. la symphonie n°5 de Gustav Mahler se déguste alors telle la célèbre madeleine de Proust contemporaine de cette oeuvre ou Venise remplace Balbec.




Rossini: Petite Messe solennelle

Plutôt de culture rock, cette petite messe est l’oeuvre de musique classique la plus rock que je connaisse, elle est très originale et j’y entends même de l’électro.





Comment écoutes-tu la musique aujourd'hui ? Chez toi ? sur une chaîne Hi-Fi ? Plutôt des vinyles ou des CD ? Sur ton smartphone ? avec des écouteurs, au casque ? En te promenant à pied ? En voiture ? En vélo ?
Avant toute chose, la musique que je préfère c’est en live.  J’’ai fait de nombreux concerts et festivals, moins maintenant certes. Sinon, j’écoute de la musique sur toutes sortes de matériel et supports : chaîne hi-fi, radio, CD ou vinyles et depuis peu sur une enceinte bluetooth, mais à l’ancienne : je ne connecte pas mon téléphone, je fais ma playlist sur mon pc et je transfère cette playlist sur une microcard SD. J’ai même ressorti le vieil Ipod de mes enfants, car depuis quelques mois je vais travailler à vélo.

Quelle plateforme de streaming utilises-tu ? As-tu un abonnement payant à Spotify, Deezer, ... ? Continues-tu à acheter des disques ? Des CD ? Des vinyles ?
Etant bibliothécaire, j’ai la chance d’avoir quasiment tout à disposition, dans la discothèque où je travaille et j’achète ensuite les CD que j’ai aimés. Je continue à acheter des vinyles aussi souvent dans des brocantes pour refaire notre discothèque mise à mal par le CD. Je n’arrive pas à passer à la musique en streaming.

Quelques émissions de radio, ou web radios musicales écoutes-tu ? Comment te tiens-tu au courant de l'actualité musicale ? Radios ? Magazines ? Sites, blogs ? Festivals ? Médiathèque ?
Mes collègues ! Mes plus jeunes collègues me font découvrir de nouveaux albums, mon conjoint aussi, il écoute beaucoup plus la radio et me demande régulièrement de lui trouver ce qu’il a entendu. Auparavant je lisais les magazines spécialisés qui disparaissent les uns après les autres et je continue à feuilleter Diapason pour m’informer en lien avec mes acquisitions. Aujourd’hui c’est par les réseaux sociaux que je fais des découvertes.

27 mars 2020

Le capharnaüm #75 : opposer au puissant effort des usines du rêve producteur d'argent celui des usines du rêve producteur d'esprit.

"Prenons garde que la civilisation apporte une multiplication du rêve que l'humanité n'a jamais connue : il y a des machines à transporter, il y a aussi les machines à faire rêver. Les usines de rêves n'ont jamais existé avant nous. C'est nous qui sommes en face de la radio, de la télévision, du cinéma. Il y a 100 ans, 3000 Parisiens allaient au spectacle chaque soir. Aujourd'hui, la région parisienne possède plusieurs millions de postes de télévision. Il ne s'agit donc pas d'opposer un domaine de l'esprit à un domaine de la machine qui ne connaîtrait pas l'esprit. La machine est le plus puissant diffuseur d'imaginaire que le monde ait connu. L'objet principal de la culture est de savoir ce que l'esprit peut opposer à la multiplication d'imagerie apportée par la machine.

Le cinéma n'est pas né pour servir l'humanité, il est né pour gagner de l'argent. Il se fonde donc sur les éléments les plus suspects de l'émotion, à l'exception du comique. Il convient donc d'opposer au puissant effort des usines du rêve producteur d'argent celui des usines du rêve producteur d'esprit. C'est-à-dire d'opposer aux images du sexe et de la mort les images immortelles. Pourquoi immortelles ? Nous n'en savons rien; mais nous savons très bien que lorsque notre âme retrouve ces grands souvenirs que nous n'y avons pas mis, elle retrouve en elle-même des forces aussi puissantes que ses éléments organiques. Et n'oublions pas que le génie africain est lui-même en partie organique…

La culture, c'est cette lutte, ce n'est pas l'utilisation des loisirs."
André Malraux : «Discours de Dakar, 30 mars 1966»,
inauguration du 1er Festival mondial des Arts nègres


Manu Dibango - Ce soir au village


Les archives de la RTS sur le plateau de Faxculture en 2001.
Album : Super Kumba, Fiesta, 1974

Dani - La machine


"Je m'suis achetée une machine / Une machine un hydropleximus  / Elle prévoit tout ce qu'on devine / Y'a un cerveau à rébus"
Emission Bouton rouge sur le 2ème chaîne du 16 avril 1967
45 tours : Scopitone , label Ducretet Thomson, 1967


Javier Krahe - Un Burdo Rumor


Album : Javier Krahe, Joaquín Sabina, Alberto Pérez - La Mandrágora, CBS 1981


Joni Mitchell - Coyote 

 
"And still feel so alone / And still feel related"
avec Bob Dylan et Roger McGuinn (The Byrds), filmé chez Gordon Lightfoot
album Hejira, Asylum Records, 1976


Karlheinz Stockhausen, Gruppen - Ensemble intercontemporain


éclairage sur l'oeuvre et analyse par Pierre-Yves Macé

15 mars 2020

Le capharnaüm #74 : importante comme symptôme d’un reste de vitalité, et nécessaire comme instrument de survie morale

Les lavabos sont un lieu peu accueillant : une salle mal éclairée et remplie de courants d’air, avec un sol de briques recouvert d’une couche de boue ; l’eau n’est pas potable, elle a une odeur écœurante et reste souvent coupée pendant des heures. Les murs sont décorés de curieuses fresques édifiantes : on y voit par exemple le bon Häftling, représenté torse nu en train de savonner avec enthousiasme un crâne rose et bien tondu, tandis que le mauvais Häftling, affligé d’un nez crochu fortement accusé et d’un teint verdâtre, engoncé dans des habits tout tachés, trempe un doigt prudent dans l’eau du lavabo. Sous le premier on lit : « So bist du rein » (comme ça, tu es propre), sous le second : « So gehst du ein » (comme ça, tu cours à ta perte) ; et plus bas, dans un français approximatif mais en caractères gothiques : « La propreté, c’est la santé. » 
Sur le mur d’en face trône un énorme pou, blanc, rouge et noir, orné de l’inscription : « Eine Laus, deine Tod » (un pou, c’est ta mort) et suivi de ces vers inspirés : 
Nach dem Abort, vor dem Essen
Hände waschen, nicht vergessen 
(Après les latrines, avant de manger, 
Lave-toi les mains, ne l’oublie jamais.) 
Pendant des semaines, j’ai considéré ces incitations à l’hygiène comme de simples traits d’esprit typiquement germaniques, du même goût que la plaisanterie sur le bandage herniaire qui nous avait accueillis à notre entrée au Lager. Mais j’ai compris ensuite que leurs auteurs anonymes avaient effleuré, sans doute à leur insu, quelques vérités importantes. Ici, se laver tous les jours dans l’eau trouble d’un lavabo immonde est une opération pratiquement inutile du point de vue de l’hygiène et de la santé, mais extrêmement importante comme symptôme d’un reste de vitalité, et nécessaire comme instrument de survie morale.
Primo Levi, Si c'est un homme [citation]
Traduit de l’italien par Martine Schruoffeneger



Piccola Orchestra Avion Travel - "Sentimento"


Sopra il mare non passa mai il tempo / Tempo che non passa mai ci cercò ci trovò
(Sur la mer, jamais ne passe le temps / Le temps qui ne passe jamais nous cherche et nous trouve)
album : Piccola Orchestra Avion Travel ‎– Selezione 1990/2000, Sugar Music 2000
Wikipedia - Discogs


Caroline Says - "I Think I'm Alone Now"


album : Caroline Says ‎– 50,000,000 Elvis Fans Can't Be Wrong, Noumenal Loom, 2014
Discogs - Bandcamp


Giorgio Gaber - La libertà


La libertà non è star sopra un albero / non è neanche il volo di un moscone / la libertà non è uno spazio libero / libertà è partecipazione.
(La liberté n'est pas de se percher sur un arbre, ce n'est pas même le vol d'une mouche, la liberté n'est pas un espace libre, la liberté c'est la participation.)
Wikipédia - Discogs


Ornette Coleman - Rome, Music Inn 1975



Ornette Coleman (saxophone) James "Blood" Ulmer (guitare) Norris Sirone Jones (contrebasse) Billy Higgins (batterie)
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Alban Berg : Wozzeck - Act I (Claudio Abaddo ; Franz Grundheber, et al.)


Alban Berg - Franz Grundheber · Hildegard Behrens · Aage Haugland · Philip Langridge · Walter Raffeiner · Heinz Zednik / Wiener Staatsopernchor · Wiener Philharmoniker · Claudio Abbado ‎– Wozzeck, Deutsche Grammophon, 1988 Wozzeck, opéra d'Alban Berg - wikipédia -

08 mars 2020

Le capharnaüm #73 : à quoi bon un livre sans images ni dialogues

Au fond du terrier du Lapin
affiche du film "Alice"
de Jan Švankmajer (1988)
Alice, assise sur le talus à côté de sa soeur, commençait à se sentir fatiguée de ne rien faire. Une fois ou deux, elle avait jeté un coup d'oeil sur le livre de sa soeur, mais il n'y avait pas d'images, pas de dialogues, et " à quoi bon un livre sans images ni dialogues ", pensait Alice. 
Elle était en train de se demander ( dans un demi songe, car elle se sentait tout engourdie par la chaleur de cette après-midi d'été) si le plaisir de tresser une guirlande de pâquerettes valait la peine de se lever pour les cueillir, quand, tout à coup, un lapin blanc aux yeux rouges passa près d'elle en courant.
Il n 'y avait là rien de très surprenant. Alice ne trouva pas non plus très extraordinaire d'entendre le Lapin marmonner: " Oh! mon Dieu, mon Dieu ! je vais être en retard. " (Par la suite, il lui vint à l'esprit qu'elle aurait pu s'étonner, mais, sur le moment, cela lui parut naturel.) Par contre, quand elle vit le Lapin tirer une montre de la poche de son gilet, regarder l'heure, puis partir en courant, Alice bondit, car elle venait de comprendre dans un éclair qu'elle n'avait encore jamais vu un Lapin tirer une montre de son gilet. Brûlant de curiosité, elle s'élança derrière lui à travers champs. Elle eut la chance d'arriver assez tôt pour le voir plonger dans un large terrier sous la haie. 
Sans perdre une seconde et sans se demander comment elle pourrait revenir sur terre, Alice le suivit.
Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles (1865), 
trad. par André Bay

Cellars - "Do You Miss Me"


album : Cellars ‎– Phases, Manifesto, 2016


Colette Magny - "Répression" / "Exil" (1972)


archives de la Radio Télévision Suisse
album : Colette Magny : Répression - Le chant du monde, 1972


Tubeway Army - "Are Friends Electric ?"


album : Tubeway Army ‎– Replicas - Beggars Banquet, 1979


Jessica Lea Mayfield - Seein* Starz


album : Jessica Lea Mayfield ‎– Make My Head Sing... - Ato Records, 2014

François Béranger - Tranche de vie


album : François Béranger - Une ville - CBS, 1969

03 mars 2020

My Favorite Things #1 : les albums préférés de Josep Lluis Villanueva Fontanella



Certains albums, tels des poèmes que nous connaissons par cœur, nous accompagnent au long des années, des décennies. Chargés de souvenirs, déclencheurs de nos évolutions, témoins de nos cheminements, énigmes résistant à l'usure du temps, traversant les modes, conservant la fraîcheur de la découverte à chaque nouvelle écoute....

Merci à Josep d'avoir répondu à l'invitation pour inaugurer la série "My favorite things" 



Ovidi Montllor - Ovidi a l'Olympia (Edigsa, 1975) 


L'Ovidi em va captivar des que el vaig descobrir a principi dels 70. La seva veu poderosa i tendra, les seves composicions i interpretacions plenes de força i sensibilitat, el seu humor, la seva honestedat i el seu compromís l'han fet immortal. Sempre acompanyat per l'inspirada i virtuosa guitarra del seu fidel Toti Soler, aquest enregistrament en directe a l'Olympia de Paris el 27 d'abril de 1975 recull un dels moments més brillants de la seva fèrtil trajectòria. 




Ovidi Montlor (1942-1995) m'a captivé dès que je l'ai découvert au début des années 70. Sa voix puissante et tendre, ses compositions et ses interprétations pleines de force et de sensibilité, son humour, son honnêteté et son engagement me l'ont rendu intemporel. Toujours accompagné par la guitare inspirée et virtuose du fidèle Toti Soler, cet enregistrement d'un concert à l'Olympia du 27 avril 1975 capte l'un des moments les plus brillants de sa très riche carrière.

[WikipediaDiscogsViasonaSpotify
(chanson catalane) 


Moto Clua - Amic Majestic (Ariola, 1977)


Moto Clua és el nom de l'únic projecte personal publicat del cantant, compositor i guitarrista Ia Clúa, integrant del formidable duet Ia & Batiste, pioners del rock progressiu a Catalunya i, per extensió, també a l'estat espanyol. L'any 1977, mig d'amagat, va apareixer aquest LP en algunes botigues de Barcelona i va desapareixer molt aviat. Mai s'ha reeditat en cap format i segurament és el disc que més significat ha anat adquirint per a mi des del dia de la seva publicació. Una barreja surrealista d'imatges absurdes i depressives en front d'un present i un futur incert, un deliri que barrejava la realitat amb els somnis, una contradicció ambulant, una angoixa intensa.

Ombres de la nit 
es tornen clar mirall 
reflexe de la por ...

Cançons molt íntimes i hermètiques, un clima musical que encara ara, 43 anys després, sacseja una part important dels meus records. És un so molt compacte i urbà, fruit del bon fer d’un grapat de grans músics barcelonins. Una joia oculta que, un dia, algú va tenir a bé pujar al Youtube per tal que tothom el pogués escoltar.



Moto Clua est le nom du seul projet personnel de Ia Clúa (1951-2011), chanteur, compositeur et guitariste, qui fut membre de Ia & Batiste, un extraordinaire duo, pionnier du rock progressif en Catalogne et, par extension également en Espagne. Au milieu de 1977, ce LP est apparu, un peu à la dérobée, dans certains magasins de Barcelone et a disparu très rapidement. Il n'a jamais été réédité à ce jour, ni en CD, ni en vinyle et ni en streaming. C'est sûrement le disque qui a eu le plus d'importance pour moi depuis sa publication. Un mélange surréaliste d'images absurdes et déprimantes face à un présent et un avenir incertains, un délire qui mêle réalité et rêve, une contradiction ambulante, une angoisse intense. 

 Ombres de la nuit
elles deviennent un miroir clair
reflet de la peur ...

Des chansons très intimes et hermétiques, un climat musical qui, encore aujourd'hui, 43 ans plus tard, remue une partie importante de mes souvenirs. C'est un son très dense et urbain, résultat de la collaboration de grands musiciens de Barcelone. Un joyau resté caché jusqu'au jour où quelqu'un l'a mis en ligne sur YouTube, afin que tout le monde puisse l'écouter.

[DiscogsWikipediaViasonaAmpli]
(rock laietà)


Música Urbana - Ibèria (RCA Victor, 1978)  



Hi ha bastant consens en considerar aquest àlbum com un dels cims del jazz català. Es tracta del segón i darrer treball d'aquest grup format per músics catalans veritablement extraordinaris: Joan Albert Amargós (compositor, director, teclista i clarinetista), Carles Benavent (compositor, baix elèctric i mandolina), Salvador Font (bateria), Mateu Simon (flugelhorn i trompeta), Jordi Bonell (guitarra elèctrica) i Jaume Cortadellas (flauta).

La música d'aquest LP és un treball únic amb aroma a Stravinsky, Falla, Hindemith, Albeniz, Hatfield & The North i el Miles Davis més elèctric. Composicions inspirades i executades amb un virtuosisme propi de gegants del jazz. Injustament desconeguts fora de Catalunya, Música Urbana han pogut veure reeditat en CD aquest àlbum imprescindible per tot amant de les músiques creatives.



On s'accorde à considérer cet album comme l'un des sommets du jazz catalan. Il s'agit de la deuxième et dernière œuvre de Música Urbana, groupe composé de musiciens vraiment extraordinaires: Joan Albert Amargós (compositeur, chef d'orchestre, claviériste et clarinettiste), Carles Benavent (compositeur, bassiste et mandoline), Salvador Font (batterie), Mateu Simon (bugle et trompette), Jordi Bonell (guitare électrique) et Jaume Cortadellas (flûte).

La musique de ce LP est une œuvre unique, avec l'arôme de Stravinsky, Falla, Hindemith, Albeniz, Hatfield & The North et Miles Davis. Compositions inspirées et exécutées avec une virtuosité caractéristique de ces géants du jazz. Injustement méconnu en dehors de la Catalogne, Música Urbana a pu voir cet album incontournable réédité sur CD pour la joie des amateurs de musique créative.

[DiscogsWikipedia
(jazz progressif)


Miles Davis - Water Babies (Columbia, 1976)


Un àlbum poc conegut del segon gran quintet de Miles Davis que recull 2 sessions diferents en cada cara. En la A escoltem a Shorter, Hancock, Carter i Williams al juny del 1967 i, en la cara B, una jam de novembre del 1968 on Holland substitueix Carter al contrabaix i Chick Corea dobla a Hancock als teclats. Aquesta jam, amb la incorporació de Zawinul i McLaughlin, és l'embrió de la formació que poc després va enregistrar el decissiu In a Silent Way.

Tots els temes són pura delícia que arriba a l'excel·lència en l'intrigant i extens Two Faced, amb inspiradíssimes improvisacions de tots els músics entre les que destaquen la bateria de Tony Williams i el baix de Ron Carter. 




Un album peu connu du deuxième grand quintette de Miles Davis, comprenant 2 sessions différentes sur chaque face. Sur la face A, nous entendons Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams en juin 1967 et, sur la face B, une jam de novembre 1968 où Dave Holland remplace Ron Carter pour le contrebasse et Chick Corea double Herbie Hancock aux claviers. Cette jam est l'embryon de la formation qui a enregistré -peu de temps après avec  Joe Zawinul et John McLaughlin- le décissif In a Silent Way.
 

Tous les thèmes sont du pur délice, et on atteint l'excellence avec l'intrigant et long Two Faced, aux improvisations inspirées de tous les musiciens, mention spéciale à la batterie de Tony Williams et le basse de Ron Carter. 

[DiscogsWikipediaAllmusicSpotify]
(jazz proto-fusion)



King Crimson - Islands (Island, 1971)

  
King Crimson és el meu grup favorit des de que era un adolescent. L'impacte del seu primer àlbum va suposar una mena de Big Bang en la formació i conseqüent evolució del meu gust per la música. Tot i així, Islands és el que he escoltat més vegades degut segurament al seu estret vincle amb un altre dels meus grans amors, l'illa de Formentera. Vaig visitar per primera vegada aquest petit racó mediterrani l'estiu del 1978 i l'impacte estètic i emocional va resultar igualment clau en molts aspectes de la meva vida. Illa i disc, disc i illa són tan inseparables com fonamentals per a mi.



King Crimson est mon groupe préféré depuis mon adolescence. L'impact de leur premier album a été une sorte de Big Bang sur la formation et la conséquente évolution de mon goût musical. En particulier, Islands est l'album que j'ai le plus souvent écouté, en raison du lien étroit avec une autre de mes passions : l'île de Formentera. J'ai visité ce petit coin méditerranéen pour la première fois à l'été 1978 et l'impact esthétique et émotionnel a été également clé dans de nombreux aspects de ma vie. Île et disque, disque et île sont pour moi aussi inséparables qu'essentiels.

Earth, stream and tree encircled by sea
Waves sweep the sand from my island

[DiscogsWikipediaAllmusicDiscipline Global MobileSpotifyAmpliKöprü]
(prog-rock)



Desechables - Golpe tras golpe (Not on Label, 1984)






No soc l'únic que opina que aquest trio barceloní va ser el millor grup del punk ibèric damunt d'un escenari. Tere (udols), Miguel (guitarra) i Dei Pei (bateria) transmetien una força en directe només comparable a la d'Iggy Pop o The Cramps, de qui se sentien fills naturals. Desechables deixaven al públic senzillament electrocutats. Desgraciadament, no van durar gaire perquè Miguel va morir absurdament quan l'èxit i les expectatives del grup eren més altes. L'àlbum Golpe tras golpe, que originalment estava programat per ser enregistrat en directe just abans d'aquest fet, reculls els demolidors enregistraments de la maqueta en cassette que ràpidament els va fer famosos dins l'underground barceloní. El seu llegendari concert a Lió, del qual se'n pot trobar només aquest fragment a Youtube, va ser el seu darrer i segurament, un dels millors. Després de la mort del guitarrista, la banda va continuar, però mai més va ser el mateix.


Je ne suis pas le seul à penser que ce trio barcelonais était le meilleur groupe punk ibérique sur scène. Tere (feulements), Miguel (guitare) et Dei Pei (batterie) ont transmis une force comparable à celle d'Iggy Pop ou à celle des Cramps, dont ils se considéraient les enfants naturels. Desechables (Jetables) laissaient le public simplement électrocuté. Malheureusement, le groupe n'a pas duré longtemps, Miguel est mort en décembre 1983 d'une mort absurde, au moment où le succès et la notoriété du groupe étaient au plus haut. L'album Golpe tras golpe, initialement prévu pour être enregistré en live au Rock-Ola de Madrid, contient des enregistrements sur cassette qui les ont rapidement rendus célèbres sur la scène underground de BarceloneLeur concert légendaire à Lyon en septembre 1983, dont seul ce fragment est disponible sur YouTube, fut leur dernier, et sûrement l'un des meilleurs. Après la mort du guitariste, le groupe a continué, mais n'a plus jamais été le même.

[MunsterDiscogs, AmpliSpotify]
(punk) 



Roberto Murolo - Antologia della canzone partenopea napoletana (12 LP. Durium, 1963-1965)


Per a mi, descobrir Napule, la seva bahia i les seves illes (Ischia, Capri, Procida) va ser el mateix que descobrir el tresor de la seva gent: la canzone. Mai he vist una identificació tan forta entre un poble i la seva tradició musical. Cançons que tothom coneix i canta per tot arreu i que van des del segle XIII fins al XX. La bellesa de les melodies i els poemes provenen tant d'un orgull profund i sincer per la bellesa salvatge de la seva volcànica terra com d'una pasió conscient de la brevetat de la vida. Centenars de cançons eternes que ningú com el gran Roberto Murolo va saber interpretar. Entre 1963 i 1965, Murolo va enregistrar una meravellosa antologia d'aquest repertori en 12 LPs que us recomano vívament. Aquí el tenim als 85 anys! a la Piazza del Plebiscito de Nàpols cantant feliç i content amb la seva gent un dels temes més emblemàtics de la tradició partenopea.

Pour moi, découvrir Naples, sa baie et ses îles (Ischia, Capri, Procida) équivaut à découvrir le trésor de son peuple: la canzone (la chanson napolitaine). Je n'ai jamais vu une identification aussi forte entre un peuple et sa tradition musicale. Des chansons, que tout le monde connaît et chante partout, allant du XIIIe au XXe siècle. La beauté des airs et des poèmes vient à la fois d'une fierté profonde et sincère de la beauté sauvage de leur terre volcanique et d'une passion consciente de la brièveté de la vie. Des centaines de chansons intemporelles que personne ne savait jouer comme le grand Roberto Murolo (1912-2003). Entre 1963 et 1965, Murolo a enregistré une merveilleuse anthologie de ce répertoire sur 12  albums que je recommande vivement. Sur la vidéo, on le voit à 85 ans! sur la Piazza del Plebiscito de Naples, chantant heureux avec son peuple l'un des thèmes les plus emblématiques de la tradition parthénopéenne.

[DiscogsWikipediaSpotify] 
(chanson napolitaine)



 Jordi Savall Istanbul (Alia Vox, 2009)  

Aquest enregistrament hauria d'estar a tota biblioteca musical, ja que es tracta d'una introducció imprescindible a una cultura riquíssima i fascinant encara massa desconeguda a Occident. L'art musical otomà beu de tradicions cultes tan diverses com la bizantina, sufi, sefardita o armènia i suposa una exquisita paleta de colors que dibuixen un univers musical sofisticat i de gran bellesa i profunditat. El príncep moldau Dimitri Cantemir (S. XVII-XVIII) va fer un impressionant i valuós treball de recopilació i escriptura anotada de bona part d'aquest repertori. El músic i musicòleg català Jordi Savall va descobrir l'obra de Cantemir i la va estudiar i enregistrar en aquest àlbum històric amb la col·laboració de primeres figures procedents dels diferents territoris de l'antic imperi dels sultans.



Cet enregistrement devrait figurer dans toute bibliothèque musicale, car il constitue une introduction essentielle à une culture riche et fascinante encore trop méconnue en Occident. L'art musical ottoman s'appuie sur des traditions culturelles telles que byzantine, soufie, séfarade ou arménienne, et représente une palette de couleurs exquise qui dessine un univers musical sophistiqué d'une grande beauté et profondeur. Le prince moldave Dimitri Cantemir (1673-1723) a réalisé un travail de compilation et d'écriture impressionnant et précieux d'une grande partie de cet immense répertoire. Le musicien et musicologue catalan Jordi Savall a redécouvert le travail de Cantemir et l'a étudié et enregistré sur cet album historique, avec la collaboration de grands musiciens des différents territoires de l'ancien empire des sultans.

[Alia VoxDiscogsWikipedia]
(art musical ottoman) 



Gaye Su Akyol - İstikrarlı Hayal Hakikattir [La fantaisie consistant est la réalité(Glitterbeat, 2018)

Gaye Su és la meva artista contemporània favorita des de que la vaig descobrir. Adoro la seva personalitat magnètica, el seu talent inesgotable i efervescent i la seva coherència artística, ben fonamentada en la tradició musical del seu país i del rock més creatiu de tots els temps. El seu tercer i darrer àlbum, İstikrarlı Hayal Hakikattir, és un viatge fantàstic a l'univers d'aquesta fascinant artista istanbulina aclamada definitivament per la crítica musical internacional i programada en més d'una ocasió al molt recomanable programa radiofònic d'Iggy Pop. En aquest clip, Gaye és la conductora d'un dolmuş molt especial (els viatgers són una veritable mostra de la varietat de caracters d'Istanbul) que ens transporta allà on la realitat és una consistent fantasia. Si actúa a prop d'on esteu, no us la perdeu per res del món ;-) m'ho agraireu!




Gaye Su Akyol est mon artiste contemporaine préférée depuis que je l'ai découverte. J'adore sa personnalité magnétique, son talent inépuisable et effervescent et sa cohérence artistique, fondée sur la tradition musicale de son pays et le rock le plus créatif de tous les temps. Son troisième et dernier album, İstikrarlı Hayal Hakikattir, est un voyage fantastique dans l'univers de cette artiste fascinant d'Istanbul, acclamée par la critique musicale international et programmée plus d'une fois sur le programme radio hautement recommandé d'Iggy Pop. Dans ce clip, Gaye est la chauffeur d'un dolmuş très spécial (les voyageurs sont un véritable exemple de la variété des personnages à Istanbul) qui nous transporte là où la réalité est une fantaisie consistant. Si Gaye joue près de chez vous, ne le manquez pour rien au monde, vous me remercierez! ;-)

[DiscogsWireSpotify,Wikipedia]
(rock psychédélique, anadolu rock, surf) 


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Comment écoutes-tu la musique aujourd'hui ? Chez toi ? sur une chaîne Hi-Fi ? Plutôt des vinyles ou des CD ? Sur ton smartphone avec des écouteurs, au casque ? En te promenant à pied ? En voiture ?

Josep : J'écoute de la musique toute la journée, de différentes manières, à la maison, sur mon ordinateur de bureau au travail  (Spotify/Youtube, Bandcamp, etc), en marchant dans les rues de Barcelone. Pas en voiture, parce que je n'en ai plus depuis 8 ans.
Ce que je préfère le plus c'est en écouter chez moi, en particulier des CD, même si j'écoute encore souvent mes vieux vinyles et que mon compte Spotify, avec une bibliothèque bien garnie, est connectée à ma chaîne Hi-fi.

Q : As-tu un abonnement payant à Spotify ? Continues-tu à acheter des disques ? Des CD ? Des vinyles ?

Josep : J'ai un compte Spotify premium pour la famille, mais je continue à acheter des coffrets CD et aussi des vinyles rares, mais pas fréquemment, seulement des fétiches de collectionneur ! :-)
Aujourd’hui que ma collection de CD et de vinyles a atteint une taille importante, après 50 années de collecte, je remercie les plateformes de streaming grâce auxquelles, il ne m'est plus besoin de l'agrandir davantage.
Cependant, pour moi, comme audiophile, rien ne peut se comparer à la qualité d'un CD sur une bonne chaîne HI-FI.

Q : Quelques émissions de radio, ou web radios musicales écoutes-tu ?

Josep : Les stations de radio musicales dans mon pays ne sont vraiment pas terribles, alors je préfère écouter des webradios et des podcasts. Principalement : Worldwide FM, Resonance FM, TRT Nağme (musique classique turque) et différents programmes sur BBC6.