18 avril 2020

My Favorite Things #5 : les albums préférés de Julien Blottière


Certains albums, tels des poèmes que nous connaissons par cœur, nous accompagnent au long des années, des décennies. Chargés de souvenirs, déclencheurs de nos évolutions, témoins de nos cheminements, énigmes résistant à l'usure du temps, traversant les modes, conservant la fraîcheur de la découverte à chaque nouvelle écoute....


Merci à Julien Blottière, professeur d'histoire-géographie et co-auteur du blog histgeobox, d'avoir répondu à l'invitation.


Barbara: "Le mal de vivre" (1965), Philips.

Mes parents écoutaient énormément de musique classique, de la "chanson à textes", en particulier le triptyque Brel/Brassens/Trenet qui passait en rotation lourde dans la voiture familiale. Barbara avait aussi sa place sur la chaîne. Il s'agit ici de son sixième album studio, enregistré en 1965. Sa voix troublante, ses mots continuent d'émerveiller. - discogs
"La solitude"



Tindersticks: "Fist album" (1993), This way up.

L'adolescence... L'écoute intensive de Bernard Lenoir sur France Inter et la lecture des Inrockuptibles en version mensuelle offrent une plongée grisante dans l'indie pop. Les Tindersticks sortaient du lot avec leur orchestration foisonnante et la voix grave de Stuart Staples. - discogs
"Jism"


"Duke Reid's Treasure chest" (1992), Heartbeat records. 

La fac. L'horizon musical s'élargit avec une plongée dans la musique jamaïcaine. Les envolées vocales mélodieuses des groupes de rocksteady me donne toujours l'impression de boulotter un petit bonbon acidulé, laissant un goût agréable dans la bouche tout au long de la journée. Ce titre est tiré d'une compilation d'enregistrements réalisés par Duke Reid pour le compte du label Treasure Isle. Rarement un nom de label a été si mérité. - discogs
The Sensations :"Those guys"



Etta James : "Tell mama. The Complete Muscle Shoals recordings" Chess (1968), puis Geffen (2009).

Dans les studios de Fame à Muscle Sholas, au fin fond de l'Alabama, Etta James enregistra une série de morceaux sublimes tels que la merveilleuse ballade I'd rather go blind ou encore Fire, des titres portés par une voix d'exception et des cuivres étincelants. - discogs -
"Fire"


Chico Buarque: "Construçao" (1971), Philips.

Le morceau Construção composé et chanté par Chico Buarque est tiré d'un album éponyme, sorti en 1971. Le titre raconte la mort d'un ouvrier du bâtiment venu construire Brasilia, la nouvelle capitale du Brésil. Derrière ce fait divers tragique, on perçoit une critique de la course effrénée à la croissance économique. Buarque raconte la journée fatidique dans la première strophe, puis reprend le récit dans les strophes suivantes en adoptant un point de vue différent. Au fil du morceau, la musique devient de plus en plus complexe, orchestrale. L'ensemble forme une épopée lyrique hallucinée d'une grande beauté. Tout l'album est à l'avenant. - discogs
"Construção"



Les Amazones de Guinée:"Au coeur de Paris" (1983) Syliphone.

Sur France Inter, l'Afrique enchantée de Soro Solo et Vladimir Cagnolari permit la découverte aux auditeurs français de musiques merveilleuses: l'éthio jazz, la rumba congolaise de Franco, l'afro-beat de Fela Kuti...
Dans les années qui suivent l'indépendance, la Guinée Conakry connaît une créativité musicale étonnante. Des formations talentueuses telles que le Bembeya Jazz, Kélétigui et ses Tambourinis enregistrent pour le compte du label d'Etat Syliphone. Le titre retenu ici est issu d'un concert donné à Paris par les Amazones de Guinée. Ambiance garantie! - discogs -
"Samba"



Max Romeo: "Open the iron gate (1973-1977)" (1999), Blood and Fire. 

Durant une quinzaine d'années, le label Blood and Fire proposa des rééditions de classiques du reggae, du dub, de grande qualité. C'est le cas de ce disque rassemblant quelques uns des enregistrements réalisés par Max Romeo entre 1973 et 1977 aux Black Ark studio, Harry J Studio et Randy's Studio. La belle voix du chanteur est portée par la crème des musiciens jamaïcains: Aston "Family Man" Barrett à la basse, Carlton Barrett à la batterie, Earl "Chinna" Smith à la guitare, Tyrone Downie au clavier, Tommy McCook au trombone... Une équipe de rêve. - discogs -
"Tacko"



Al Green: "I'm still in love with you" (1972), Hi Records. 

Au cours des années soixante-dix, l'association du chanteur Al Green et du producteur Willie Mitchell donna naissance à quelques uns des plus beaux enregistrements soul de la période. L'équipe de musiciens de Hi records offre ainsi un splendide écrin à la voix de velours d'Al Green. Dès l'introduction de Simply beautiful, on est frappé par la justesse des arrangements, la subtilité de jeu du batteur ou du claviériste. Les inflexions et modulations auxquelles le chanteur soumet son organe vocal impressionnent. Son interprétation est magnifique. - discogs
"Simply beautiful"



"The Afrosound of Colombia vol. 1" (Vampisoul)

Cette compilation permet d'entrapercevoir la prodigieuse richesse des musiques colombiennes. De la quarantaine de morceaux extraits du catalogue du label Discos Fuentes, nous retenons particulièrement cette hypnotique Cumbia de sal, un irrésistible appel à la danse. - discogs -
Cumbia en moog : "Cumbia de sal"




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Comment écoutes-tu la musique aujourd'hui ?
J'écoute la musique autant que possible, à pied, en voiture, chez moi, avec une boom box, ou un casque pour ne pas embêter les autres membres de la famille. L'ordinateur a remplacé la chaîne hi-fi. La quête de cd chez les disquaires a cédé la place à la recherche de nouveaux sons sur internet. Depuis, mes disques prennent la poussière sur leurs étagères.

Quelle plateforme de streaming utilises-tu ? As-tu un abonnement payant à Spotify, Deezer, ... ? Continues-tu à acheter des disques ? Des CD ? Des vinyles ?
J'adorais fréquenter les disquaires, trouver le disque improbable ou rare. Le budget consacré aux disques était souvent très déraisonnable. Je n'en achète pratiquement plus. Il faut dire qu'aujourd'hui, pour beaucoup, la manière d'écouter la musique n'est plus du tout la même. J'ai longtemps créé des playlists sur 8 tracks, mais le site ne fonctionne plus, je me suis donc rabattu sur Youtube. Je n'achète plus qu'exceptionnellement des disques.

Quelques émissions de radio: jukebox (France Culture), ou web radios musicales écoutes-tu ? Comment te tiens-tu au courant de l'actualité musicale ? Radios ?, magazines ? Sites ? Festivals ? médiathèque ?
Sur France Culture, l'émission "Jukebox" animée par Amaury Chardeau raconte un événement du passé à partir des archives et des musiques. C'est toujours passionnant et instructif. Comme l'indique le site de l'émission, "Jukebox constitue semaine après semaine une collection d'histoires et de playlist à emporter."
Vrai petit rat de médiathèques depuis le lycée, j'ai découvert énormément de musiques/disques/artistes grâce aux fonds des bibliothèques de Limoges, la Goutte d'Or, Sannois, Saintes... de vraies mines d'or.
Grâce à Feedly [un agrégateur de flux RSS], il est désormais bien plus facile et rapide de se tenir au courant des sorties musicales ou d'archiver des sites ou adresses web précieuses: les blogs Tristes humanistes, Du spectacle, la discothèque de l'amateur, Likembe, For the sake of the song, 27 Leggies, la Dimension de Trastos, mediamus bien sûr [merci :-)]!, des sites tels que Pan African Music, Section 26, Musiq XXL, Awesome tapes from Africa, Aquarium Drunkard... La fréquentation régulière de ces adresses permet de faire de belles découvertes musicales.

En quoi tes activités de blogueur pour l'histgeobox et de professeur d'histoire-géographie influencent-elles  ton écoute de la musique (ou inversement) ? Existe-il des musiques qu'il est possible d'écouter sans se soucier du contexte de leur production, ou de leur usage fonctionnel ? 
L'histgeobox, le métier de prof d'histoire-géo me font - même inconsciemment, porter une attention particulière aux conditions de création ou de diffusion d'un morceau, au contexte dans lequel un genre musical émerge, à l'impact de certains titres sur les événements historiques. Il est toujours tentant de décrypter les allusions ou références historiques glissées dans une chanson comme dans "Murder most foul", le récent morceau fleuve de Bob Dylan.
Pour autant, la musique se suffit à elle-même, elle a souvent un caractère d'urgence, d'évidence. Lorsqu'on écoute Ain't moutain high enough / Essa moça tá Diferente / Sunny, on se laisse avant tout porter par le rythme, le tempo, la mélodie. Il n'y a plus qu'à écouter, danser, profiter.

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L'histgeobox, un blog tenu par des professeurs de lycée et de collège, qui a pour objectif de vous faire découvrir les programmes d'histoire et de géographie par la musique en proposant de courtes notices sur des chansons et morceaux dignes d'intérêt.
https://lhistgeobox.blogspot.com/

Paroles d’histoire, un podcast lancé en avril 2018, ouvert à toutes les périodes et toutes les approches qui permettent de réfléchir au passé, et à ses liens avec le présent. En invitant des historiennes et des historiens on discute de livres récents ou classiques, d’historiographie et de méthodologie, de débats et de controverses, et de tous les usages possibles de l’histoire, des plus savants aux plus courants, à l’école, au musée, à la télévision ou au cinéma, sur internet.
[79. L’histoire en chansons sur l’Histgeobox, avec Julien Blottière]
https://parolesdhistoire.fr/