C'est grâce l'étude du phénomène sonore et l'expérimentation lors de nombreux travaux visant à la fixation des sons, que l'invention du phonographe pris finalement corps dans le troisième quart du 19e siècle, précisément en 1877.
Cette invention s'appuie en effet sur les innovations techniques apportées par deux précurseurs : Thomas Young et Léon Scott de Martinville
1807 Thomas Young
Esprit universel, entre "Géo Trouve-Tout et le Professeur Tournesol, Thomas Young est un homme très complet : funambule, pratiquant aussi la voltige équestre, c’est aussi un érudit : universel : il parle notamment latin, grec, français, italien persan, grec, hébreu et arabe. Accessoirement il se passionne pour la botanique, la médecine, la philosophie. ses heures perdues, il joue de nombreux instruments de musique, et publie des mémoires sur les arches des ponts, la théorie des marées, le calcul des éclipses, la charpente des vaisseaux et il fixe en 1805 les dimensions approximatives des molécules. Il fait des découvertes en égyptologie en contribuant avant Champollion au déchiffrage des hiéroglyphes . A côté de toutes ces activités, Thomas Young parvient à enregistrer les vibrations d'un son par l'intermédiaire d'une pointe, sur un cylindre tournant enduit de noir de fumée.
1857, Léon Scott de Martinville
Cet ouvrier typographe français devient inventeur après avoir été le correcteur des comptes rendus de l’Académie des Sciences. Il est notamment très marqué par les travaux de physiologie du docteur Longuet sur l’oreille humaine.
Rappelons comment fonctionne l’oreille. Celle-ci est constituée de différentes parties : pavillon, conduit, tympan, les trois osselets : marteau, enclume, étrier, la trompe d’eustache et la cochlée, le nerf auditif. C’est un système mécanico-électrique. Les ondes sonores sont dues à des variations de la pression de l’air. Elles sont transmises par le conduit auditif externe jusqu’au tympan qu’elles font vibrer. Ces vibrations sont transmises par la chaîne des osselets (marteau, enclume et étrier jusqu’aux liquides de l’oreille interne via la fenêtre ovale. Les mouvements des liquides font bouger les cils des cellules sensorielles de la cochlée. Les cellules ciliées transforment ces mouvements en messages nerveux qu’elles transmettent aux neurones qui, à leur tour, véhiculent ces informations jusqu’au cerveau.
Pour en revenir à Léon Scott de Martinville, c’est lui qui va réalisé les 1er enregistrements graphiques de vibrations sonores de la voix. Il construit un appareil, qu’il appelle le phonautographe.
Il s’agit d’une membrane vibrant sous l’effet des ondes sonores, cette membrane va entraîner stylet formé d’un poil de sanglier qui va inscrire les vibrations sur des plaques de cristal enduites de noir de fumée, se déplaçant par un mouvement d’horlogerie. Il se forme alors dans le noir de fumée un tracé transparent, facile à photographier, à conserver, à analyser.
Le phonautographe signifie étymologiquement : « il écrit la voix ».
Mais, pour Scott de Martinville, il s’agit d’écrire les sons et non de les reproduire. Pour lui le phonautographe sera utilisé comme un sténographe, pour servir par exemple à la dictée du courrier. Scott construit sans le savoir la première moitié du phonographe. Il a conçu l’enregistrement, mais il restait encore à inventer le moyen de lire le son.
1877, naissance de l’invention
Comme beaucoup d’inventions (par exemple le cinéma), elle a vu sa paternité discutée entre français et américains.
L’histoire à retenue deux noms, car en cette année 1877, Thomas Edison, aux Etats-Unis et Charles Cros en France déposent chacun de leur côté le brevet d’invention d’un procédé pour enregistrer et restituer la voix. C’est Charles Cros qui a la primeur du dépôt.
Charles Cros (1842-1888)
Est un poète et un scientifique visionnaire. Un autre esprit universel, lui aussi a plusieurs cordes à son arc : Comme chimiste, physicien, il met au point un procédé de photographie en couleur ainsi q'un télégraphe.
C. Cros fréquente les impressionnistes et les parnassiens, musicien, et poète. Il héberge Rimbaud chez lui en 1871, pendant l’épisode de la Commune de Paris. On lui doit notamment l’écriture d’un recueil de poèmes « Le coffret de santal » et un poème très connu « le hareng saur » que l’on apprend aux enfants dans les écoles. Autant dire que de son vivant Charles Cros ne fut jamais pris au sérieux. Il meurt dans la misère et l’alcoolisme.
C’est donc le 16 avril 1877 qu’il rédige une description détaillée et complète de ce qu’il nomme le paléophone (la voix du passé). Le 30 avril, il la dépose en un pli cacheté à l’Académie des sciences, sous le titre Procédé d’enregistrement et de reproduction des phénomènes perçus par l’ouïe. Citation : « Mon procédé consiste à obtenir le tracé du va-et-vient d’une membrane vibrante et à se servir de ce tracé pour reproduire le même va-et-vient avec ses relations de durée et d’intensité sur la même membrane ou sur une autre appropriée » On a donc ici les deux mouvements symétriques. La description de Charles Cros, c’était d’emblée le disque tel qu’on le connaîtra jusqu’à l’arrivée du disque compact. Mais ce n’était qu’une description, et, sans argent, Charles Cros n’avait pu réunir les cinquante francs nécessaires au brevet de son invention.
Thomas Alva Edison (1847-1931),
Car un autre inventeur lui de l’autre côté de l’Atlantique a les moyens de ses rêves. La même année, le 12 août 1877, conçoit dans ses grands ateliers de Menlo Park (le 1er centre de recherches scientifiques financé) une petite machine à cylindre et à manivelle : le phonographe. Lui n’est ni artiste ni poète mais travaille dans de nombreux domaines différents : télégraphe, électricité, téléphone.
Son système, appelé phonographe, fonctionne avec un cylindre mobile recouvert d’une mince couche d’étain et manipulé à la main, sur ce cylindre est appuyé une pointe vibrante relié à un diaphragme dont les vibrations sont amplifiées par un cône ou un entonnoir. De cette première machine sortent les premiers mots enregistrés («Mary had a little lamb»). Mary avait un petit agneau. C'est une comptine américaine. (source)
Mais l’appareil n’est pas tout de suite au point : les premiers appareils quasiment sont inaudibles
Lorsque Edison présente en 1878 son phonographe à l’Académie des sciences de Paris qui était alors l’autorité mondiale il remporte un grand succès. Pourtant c’est un échec technique, la qualité sonore laisse à désirer.
«Je doute, écrit-il, qu’il me soit jamais donné de voir un phonographe prêt à reproduire tous les discours d’une manière intelligible.»
Edison abandonne alors le phonographe pendant 10 ans pour se consacrer à l’électrification de la ville de New York (il fondera la General Electric). Il invente l’ampoule électrique à incandescence. Au total, Edison fait breveter au total plus de mille inventions, dont le kinétoscope (ancêtre du cinématographe, et la batterie électrique)
Partisan du courant continu sur le courant alternatif il électrocute en public des chiens, des chevaux, et même des éléphants, pour montrer les dangers mortels du courant alternatif. Finalement, contacté par l’Etat de New York il mettra au point la nouvelle machine à tuer des Etats-Unis, à base de courant alternatif, la chaise électrique. (Mais ceci est une autre histoire)
Dix ans plus tard.
Edison présente un nouvel appareil à Paris en 1889, à l’Exposition internationale que domine la toute neuve tour Eiffel. Cette fois, c’est un triomphe. Gustave Eiffel, justement, reçoit des mains d’Edison un phonographe dont il fera son jouet de salon favori et grâce auquel sa voix lui a survécu.
La question, entre Cros et Edison, de savoir qui doit être considéré comme l’inventeur du phonographe se pose encore. Chaque pays met en avant son champion. On doit reconnaître que la première réalisation effective est celle d’Edison.
Il n’empêche que la conception de Cros (la forme du disque) est beaucoup plus innovante que celle d’Edison (le rouleau), et l’avenir de l’industrie du disque lui donna raison.
Après la phase de l’invention, la phase de l’industrialisation...
Liens complémentaires
L'édition phonographique : 1895-1950, des débuts de la commercialisation des phonogrammes à l'apparition du microsillon (site de l'AFAS)
The history of phonautograph
Petite histoire de l'enregistrement
Histoire de l'enregistrement sonore
Directory of oldest recordings
Bibliographie : Histoire illustrée du phonographe / Daniel Marty. - Lausanne : EDITA ; Paris : Vilo, cop. 1979 (impr. en Suisse). - 189 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. ; 31 cm