En 1947, le journaliste Jean Thevenot effectue un reportage radiophonique à l'occasion des 70 ans de la Machine parlante (1877-1947). Il interroge un disquaire du Quartier Latin, ainsi qu'un client amateur de musiques latino-américaines et un grand collectionneur de disques. Dans ces entretiens, il est déjà question du goût des mélomanes, de l'importance de la prescription et du conseil d'un disquaire correctement formé pour cela, et de... l'avenir du disque.
Quelques extraits retranscrits de l'entretien du journaliste avec le disquaire :
1947, chez le disquaire, en haut du Boulevard Saint-Michel
Le journaliste : (s'adressant à l'auditeur) : « Il reste encore à vous parler de l’intermédiaire, de quelqu’un qui se situe entre le producteur de disque et le consommateur que vous êtes.
Alors, nous allons cette fois-ci vous faire prendre connaissance du point de vue du revendeur, que je ne sais d’ailleurs pas très bien comment appeler. Est-ce qu’on doit l’appeler un revendeur de disques ? Un marchand de disques ? Je considère que pour ceux, et ils sont assez nombreux, qui considèrent leur métier comme une sorte d’apostolat musical, ces termes de revendeur et de marchand doivent leur paraître péjoratifs. Alors, je vais à tout hasard, employer un mot que certains utilisent, ce qui peut paraître un petit peu précieux, un petit peu prétentieux , mais ce qui au fond est juste ; comme étant un néologisme, c’est à dire le mot disquaire [ouf, on y arrive enfin, que de précautions d'usage]. […] Notre micro se trouve actuellement chez un disquaire du Quartier Latin, un disquaire que connaissent très bien les étudiants et qui se trouve situé en haut du boulevard Saint-Michel, près de la rue Soufflot… »
50% classique, 50% swing, danse et chansonnettes
Le journaliste s'adressant au disquaire : « Parmi les disques qui sont […] vendus, quelle est la catégorie où la vente est la plus élevée ? D’ailleurs, est-ce qu’il y a une catégorie qui domine les autres, ou bien est-ce que la vente s’équilibre à peu près dans tous les genres ? »
Le disquaire : « Non, non, je ne crois pas, je ne crois pas, il y a peut-être, euh, de par notre situation, toute la jeunesse estudiantine évidemment est très swing, mais ça n’empêche pas toute cette jeunesse d’être à la fois swing et d’aimer la bonne musique (sic !). Alors un monsieur, un jeune homme vous demandera un disque swing, et 30 secondes après, il prendra du Bach ou du Mozart. Il sont très, très éclectiques. »
Le journaliste : « Quelles sont les proportions entre les différents genres? »
Le disquaire : « Je suis un petit peu pris au dépourvu... Je dirais, 50 % de bonne musique (re-sic), c’est-à-dire tout ce qu’est la musique classique, moderne... (avec l’accent parisien) et 50% swing, danse et chansonnettes. »
Le journaliste : « Ce qui semblerait indiquer que la proportion est à l’avantage de la musique classique ? »
Le disquaire : « Nettement, nettement… »
Alors, nous allons cette fois-ci vous faire prendre connaissance du point de vue du revendeur, que je ne sais d’ailleurs pas très bien comment appeler. Est-ce qu’on doit l’appeler un revendeur de disques ? Un marchand de disques ? Je considère que pour ceux, et ils sont assez nombreux, qui considèrent leur métier comme une sorte d’apostolat musical, ces termes de revendeur et de marchand doivent leur paraître péjoratifs. Alors, je vais à tout hasard, employer un mot que certains utilisent, ce qui peut paraître un petit peu précieux, un petit peu prétentieux , mais ce qui au fond est juste ; comme étant un néologisme, c’est à dire le mot disquaire [ouf, on y arrive enfin, que de précautions d'usage]. […] Notre micro se trouve actuellement chez un disquaire du Quartier Latin, un disquaire que connaissent très bien les étudiants et qui se trouve situé en haut du boulevard Saint-Michel, près de la rue Soufflot… »
50% classique, 50% swing, danse et chansonnettes
Le journaliste s'adressant au disquaire : « Parmi les disques qui sont […] vendus, quelle est la catégorie où la vente est la plus élevée ? D’ailleurs, est-ce qu’il y a une catégorie qui domine les autres, ou bien est-ce que la vente s’équilibre à peu près dans tous les genres ? »
Le disquaire : « Non, non, je ne crois pas, je ne crois pas, il y a peut-être, euh, de par notre situation, toute la jeunesse estudiantine évidemment est très swing, mais ça n’empêche pas toute cette jeunesse d’être à la fois swing et d’aimer la bonne musique (sic !). Alors un monsieur, un jeune homme vous demandera un disque swing, et 30 secondes après, il prendra du Bach ou du Mozart. Il sont très, très éclectiques. »
Le journaliste : « Quelles sont les proportions entre les différents genres? »
Le disquaire : « Je suis un petit peu pris au dépourvu... Je dirais, 50 % de bonne musique (re-sic), c’est-à-dire tout ce qu’est la musique classique, moderne... (avec l’accent parisien) et 50% swing, danse et chansonnettes. »
Le journaliste : « Ce qui semblerait indiquer que la proportion est à l’avantage de la musique classique ? »
Le disquaire : « Nettement, nettement… »
La question de savoir si le disque a de l’avenir
Le journaliste toujours au disquaire : « Maintenant je voudrais vous poser une dernière question, après quoi vous serez libéré de la torture du micro. […] C’est une question d’anticipation, d’ailleurs par laquelle sera amorcée ainsi une émission qui terminera notre série sur la machine parlante. Nous comptons en effet organiser un débat entre différents techniciens, un débat contradictoire sur la question de savoir si le disque a de l’avenir, ou si au contraire, il risque d’être remplacé par d’autres procédés d’enregistrements. Alors anticipons sur ce débat futur, je vous pose aujourd’hui, ici même, d’ors et déjà la question. »
Le disquaire : « Sans aucun doute dans l’avenir, le disque sera remplacé, à mon avis, par une bande sonore ou une bande magnétique, ou peut-être tout simplement une bande de papier, comme j’ai eu l’occasion de l’entendre il y a une dizaine d’années. Parce qu’à mon avis, le disque est parfait, mais le gros écueil, ce sont les coupures qui ne sont jamais très heureuses au point de vue musical… »
Le disquaire : « Sans aucun doute dans l’avenir, le disque sera remplacé, à mon avis, par une bande sonore ou une bande magnétique, ou peut-être tout simplement une bande de papier, comme j’ai eu l’occasion de l’entendre il y a une dizaine d’années. Parce qu’à mon avis, le disque est parfait, mais le gros écueil, ce sont les coupures qui ne sont jamais très heureuses au point de vue musical… »
document INA : http://www.ina.fr/economie-et-societe/vie-economique/audio/PHD85023906/le-point-de-vue-du-disquaire-du-client-et-du-collectionneur.fr.html
Épilogue :
Le disque microsillon, qu'on appelle aussi vinyle, sera commercialisé l'année suivante en 1948 aux États-Unis par la marque Columbia.
Et en France, il faudra attendre 1960, pour que s'ouvre à Paris (le 10 mars) la première discothèque de prêt : La Discothèque Marigny, première réalisation de la Discothèque de France, dont le modèle se diffusa ensuite en intégrant le réseau de la lecture publique des bibliothèques territoriales (municipales et départementales).
Le disque microsillon, qu'on appelle aussi vinyle, sera commercialisé l'année suivante en 1948 aux États-Unis par la marque Columbia.
Et en France, il faudra attendre 1960, pour que s'ouvre à Paris (le 10 mars) la première discothèque de prêt : La Discothèque Marigny, première réalisation de la Discothèque de France, dont le modèle se diffusa ensuite en intégrant le réseau de la lecture publique des bibliothèques territoriales (municipales et départementales).
Le prêt de disques a 50 ans, nous lui souhaitons
un bon anniversaire, et une longue vie ! :-)
un bon anniversaire, et une longue vie ! :-)
Illustration photographique : La galette.fr, la boutique d'un disquaire probablement dans les années 50