David Byrne est le prototype du musicien rock d'avant-garde. Figure historique de la scène punk/new wave new-yorkaise pendant la seconde moitié des années 70 avec son groupe Talking Heads (aux côtés de Patti Smith, Television, Suicide, et des Ramones) et c'est aussi un grand promoteur de la sono mondiale.
D'abord en 1981, avec Brian Eno, dans l'album My Life in the Bush of Ghosts, il sample et mélange enregistrements ethnomusicologiques et tempos electro. En 1986, pour l'album Rei momo, il s'entoure de musiciens afro-cubains et d'Amérique du Sud pour faire sonner les rythmes latino : merengue, Cuban Son, samba, mambo, cumbia, cha-cha-chá, bomba, ou charanga. En 1990, il fonde le label Luaka Bop, pour éditer Os Mutantes, Los De Abajo, Jim White, Zap Mama, Tom Zé, Los Amigos Invisibles et King Chango.
On pourrait imaginer David Byrne baignant dès l'enfance dans le melting pot musical new yorkais, mais ce ne fut pas le cas. Le musicien est né en Ecosse en 1952, il est arrivé avec ses parents en Amérique à l'âge de 8-9 ans, la famille s'installant d'abord à Hamilton, Ontario, puis à Arbutus, Maryland.
A l'occasion de son 3ème livre How music works paru aux éditons McSweeneys, David Byrne en "tête qui parle", analyse le phénomène musical et revient sur ses années d'apprentissage musical, en évitant le pensum autobiographique.
Interrogé par Seth Colter Walls pour le Smithsonian Magazine, David Byrne expose ses réflexions sur notre rapport actuel à la musique :
Seth Colter Walls : Ce livre montre une grande ouverture d'esprit, j'en suis sorti avec le sentiment que vous étiez préoccupé par le pouvoir socialement destructeur de l'élitisme – la manière dont nous abordons la musique "classique", la manière dont nous considérons les rock stars comme des "professionnels" - alors que vous êtes plus en faveur d'une pratique amateur revendiquée en tant que telle.
David Byrne : Je suis très méfiant, vis à vis de la théorie historique du "grand homme". Il existe des artistes que j'admire totalement. Pour eux, je suis capable de sortir tout de suite acheter leur nouveau disque sans l'avoir écouter avant. Mais ces artistes ne sont pas nombreux. Et je suis conscient de ce que ces artistes ont emprunté à d'autres, et qu'ils ne sont pas partis de rien. J'encourage les gens à ne pas être des consommateurs passifs de musique et de culture en général.
SCW : Et pourtant, l'une des raisons pour lesquels le lecteur se tournera vers vous pour savoir comment fonctionne la musique c'est que vous êtes David Byrne, une célèbre rock star.
David Byrne : Oui, je sais que les gens vont m'écouter et prêter attention à mes propos parce qu'ils connaissent ma musique, mon parcours, qu'ils savent qui je suis. Mais dans le même temps, je pense que je ne compte pas tant que cela.
SCW : A la fin du livre, vous développez un solide argumentaire en faveur d'une éducation musicale dès l'enfance. Et parce que votre livre fait référence à une liste impressionnante, par sa diversité de musiciens extraordinaires - je pense au jazzman Rahsaan Roland Kirk ou au compositeur grec contemporain Iannis Xenakis – je me posais la question : à une époque où Internet n'existait pas, comment avez-vous découvert toute cette richesse, quand vous étiez adolescent ?
David Byrne : Je me suis forgé cette culture, un peu par moi-même, dans la petite ville d'Arbutus, près de Baltimore. Ce n'est pas comparable à New York, où la diversité musicale est dans l'air. Avec deux amis, fans de musique, nous échangions des disques. Je pense que mes parents étaient abonnés au Sunday New York Times, et à l'occasion, on y faisait mention de compositeurs comme John Cage, et des choses de ce genre. Et on se dit : "Qu'est-ce que c'est que ça ?" C'était une époque, à la fin des années 60, au début des années 70, où avoir une forme d'ouverture d'esprit sur la musique était considérée comme cool. Ce n'était pas saugrenu, ni mal vu. En fait, je ne sais pas, car j'étais isolé ! Mais c'est l'impression que j'en garde. Je pensais qu'en lisant les magazines musicaux de l'époque comme Rolling Stone, je pourrais en savoir plus, mais ces magazines avaient tendance à parler surtout de rock, même s'ils mentionnaient parfois d'autres musiques, comme le jazz. Alors je glanais des petites choses : Frank Zappa reprenant une citation d'Edgar Varèse, et on se dit "C'est qui lui ?" Alors je suis allé à la bibliothèque publique qui avait des collections de vinyles que l'on pouvait emprunter pour trois jours. Donc si vous aviez entendu parler d'un truc, si quelqu'un avait cité un nom, vu qu'il n'y avait pas Internet ou d'autres moyens pour se renseigner, il fallait se procurer le disque et lire les notes de la pochette. Et une chose amenant à une autre : les textes de la pochette vous conduisaient à quelqu'un d'autre. [...]
On pourrait imaginer David Byrne baignant dès l'enfance dans le melting pot musical new yorkais, mais ce ne fut pas le cas. Le musicien est né en Ecosse en 1952, il est arrivé avec ses parents en Amérique à l'âge de 8-9 ans, la famille s'installant d'abord à Hamilton, Ontario, puis à Arbutus, Maryland.
A l'occasion de son 3ème livre How music works paru aux éditons McSweeneys, David Byrne en "tête qui parle", analyse le phénomène musical et revient sur ses années d'apprentissage musical, en évitant le pensum autobiographique.
Interrogé par Seth Colter Walls pour le Smithsonian Magazine, David Byrne expose ses réflexions sur notre rapport actuel à la musique :
- comment la structuration économique de l'industrie musicale influe sur ce que nous écoutons,
- comment les murs construits autour du spectacle vivant ont modifié la fonction sociale de la musique,
- comment la numérisation de la musique enregistrée a changé notre relation à la musique vivante.
[Les extraits de l'interview ont été traduits par nos soins]
Seth Colter Walls : Ce livre montre une grande ouverture d'esprit, j'en suis sorti avec le sentiment que vous étiez préoccupé par le pouvoir socialement destructeur de l'élitisme – la manière dont nous abordons la musique "classique", la manière dont nous considérons les rock stars comme des "professionnels" - alors que vous êtes plus en faveur d'une pratique amateur revendiquée en tant que telle.
David Byrne : Je suis très méfiant, vis à vis de la théorie historique du "grand homme". Il existe des artistes que j'admire totalement. Pour eux, je suis capable de sortir tout de suite acheter leur nouveau disque sans l'avoir écouter avant. Mais ces artistes ne sont pas nombreux. Et je suis conscient de ce que ces artistes ont emprunté à d'autres, et qu'ils ne sont pas partis de rien. J'encourage les gens à ne pas être des consommateurs passifs de musique et de culture en général.
SCW : Et pourtant, l'une des raisons pour lesquels le lecteur se tournera vers vous pour savoir comment fonctionne la musique c'est que vous êtes David Byrne, une célèbre rock star.
David Byrne : Oui, je sais que les gens vont m'écouter et prêter attention à mes propos parce qu'ils connaissent ma musique, mon parcours, qu'ils savent qui je suis. Mais dans le même temps, je pense que je ne compte pas tant que cela.
SCW : A la fin du livre, vous développez un solide argumentaire en faveur d'une éducation musicale dès l'enfance. Et parce que votre livre fait référence à une liste impressionnante, par sa diversité de musiciens extraordinaires - je pense au jazzman Rahsaan Roland Kirk ou au compositeur grec contemporain Iannis Xenakis – je me posais la question : à une époque où Internet n'existait pas, comment avez-vous découvert toute cette richesse, quand vous étiez adolescent ?
David Byrne : Je me suis forgé cette culture, un peu par moi-même, dans la petite ville d'Arbutus, près de Baltimore. Ce n'est pas comparable à New York, où la diversité musicale est dans l'air. Avec deux amis, fans de musique, nous échangions des disques. Je pense que mes parents étaient abonnés au Sunday New York Times, et à l'occasion, on y faisait mention de compositeurs comme John Cage, et des choses de ce genre. Et on se dit : "Qu'est-ce que c'est que ça ?" C'était une époque, à la fin des années 60, au début des années 70, où avoir une forme d'ouverture d'esprit sur la musique était considérée comme cool. Ce n'était pas saugrenu, ni mal vu. En fait, je ne sais pas, car j'étais isolé ! Mais c'est l'impression que j'en garde. Je pensais qu'en lisant les magazines musicaux de l'époque comme Rolling Stone, je pourrais en savoir plus, mais ces magazines avaient tendance à parler surtout de rock, même s'ils mentionnaient parfois d'autres musiques, comme le jazz. Alors je glanais des petites choses : Frank Zappa reprenant une citation d'Edgar Varèse, et on se dit "C'est qui lui ?" Alors je suis allé à la bibliothèque publique qui avait des collections de vinyles que l'on pouvait emprunter pour trois jours. Donc si vous aviez entendu parler d'un truc, si quelqu'un avait cité un nom, vu qu'il n'y avait pas Internet ou d'autres moyens pour se renseigner, il fallait se procurer le disque et lire les notes de la pochette. Et une chose amenant à une autre : les textes de la pochette vous conduisaient à quelqu'un d'autre. [...]
Edgar Varèse
Source David Byrne Offers Advice on How to Enjoy Music, Smithsonian.com, 12 septembre 2012
Retrouvez à la médiathèque de l'Hôtel-Dieu, les disques de Talking Heads, de David Byrne et de Brian Eno, mais aussi ceux de Rahsaan Roland Kirk, Iannis Xenakis, John Cage, Frank Zappa, Edgar Varèse et de bien d'autres créateurs...