07 octobre 2011

Mayte Martín « Al cantar a Manuel » : vases communicants #10

Sur le principe des Vases Communicants, Mediamus et Ampli s'invitent mutuellement le premier vendredi du mois, chacun publiant sur le blog de l'autre. Nous donnons la parole à nos amis bibliothécaires musicaux catalans. Aujourd'hui Loriendeloth à qui nous adressons un très grand merci pour cet article et pour l'aide précieuse apportée à faire découvrir les vers de Manuel Alcántara :-)


"El flamenco es mi origen. No mi yugo. Lo digo yo."
(Le flamenco est ma maison. Ce n’est pas mon joug. Comme je le dis)
Mayte Martín




Née en 1965 et originaire de Barcelone, Mayte Martín est l’une des plus grandes chanteuses de flamenco d'aujourd'hui. Chaque chanson qu’elle interprète, que ce soit du flamenco ou des boléros, avec sa voix de velours, parfois cassée mais toujours juste, me touche, je dois l’avouer, au plus profond de l’âme.
Cependant je n’évoquerai ici que son dernier album « Al cantar a Manuel » (En chantant les poèmes de Manuel) (Nuevos Medios, 2009). Il s’agit d’un album entièrement consacré à la mise en musique des poèmes de Manuel Alcántara, poète né 1928 et originaire de Málaga, une grande ville d’Andalousie, au Sud de l’Espagne.
En 2007, à l’occasion de son festival de flamenco, la ville de Málaga fit appel à Mayte Martín pour rendre hommage au poète. Le résultat de cette commande aboutit à la réalisation de cet album, splendide de la première à la dernière chanson. Les compositions, qu'elles soient flamenco ou non, et les arrangements de Mayte Martín sont simplement parfaits pour chacun des mots et des couplets qu’elle interprète.
"Vámonos!" [Allons-y ! = selon l’expression favorite des chanteurs flamenco au moment d'entamer leurs chansons préférées]

Si Spotify propose l’écoute de l’intégralité de l’album, si Grooveshark m’a permis d’y insérer quels titres, et si Youtube propose des vidéos de l’artiste interprétant ses chansons, on peut cependant trouver l’album dans les collections des bibliothèques publiques, ou bien sûr l'acheter dans un magasin de disques !


Por la mar chica del puerto, des vers qui évoquent un naufrage intime :
... se le ha borrado a la arena
la huella del pie descalzo
pero le queda la pena.
... le sable de la plage
a effacé l’empreinte de ses pieds nus
mais elle garde sa peine




a Miguel Hernández
Un poème dédié à Miguel Hernández (1910-1942), un des plus grands poètes espagnols mort de la tuberculose dans une prison fasciste.
... a aquellos montes de Málaga
tiraron todos sus versos
y sus penas y sus cabras.
... dans les montagnes de Málaga,
ils jettent tous ses poèmes
toutes ses peines et toutes ses chèvres.




Le minimaliste Le gustaban pocas cosas (il aimait les petites choses) … et ce n’est pas une petite chose
... el olor de los jazmines
los libros de madrugada (...)
las noches y los amigos
el verano y tus pestañas.
... l’odeur des jasmins
la lecture des livres à l’aube
la nuit, ses amis
l’été, et tes cils.



La sincérité des Excusas a Lola
... siempre tuve un pequeño presupuesto
para el amor. En la melancolía
se me fue lo demás. Si todavía
quedaba algo lo eché en vivir.
... j'ai toujours eu un petit budget
pour l'amour. Tout le reste fut mélancolie.
s’il restait quelque chose, ce fut de vivre la vie.



Et la mer qui berce les poèmes, et particulièrement celui-ci : No sabe el mar que es domingo (La mer ne sait pas que c’est dimanche)
No sabe el mar que es domingo
(...)
Mientras va y viene en la orilla
no sabe el mar que lo miro.
La mer ne sait pas que c’est dimanche
Elle va et vient sur le rivage
La mer ne sait pas que je la regarde




L’inquiétant Al sur de los limones (Au Sud des citrons)
La chanson parle des charniers disséminés un peu partout datant de la Guerre Civile Espagnole. Un sujet qui fait débat aujourd’hui en Espagne à propos de la construction d’une mémoire historique.
Un haz de manos quietas es la muerte
yacimiento de manos es el tiempo
debajo de la tierra no hay saludos
los muertos no conocen a los muertos.
La mort est un fagot de mains calmes
Le temps est un empilement de mains
Sous la terre, personne ne se salue
Les morts ne connaissent les autres morts



Niño del 40 : Une autre référence à la guerre civile par les yeux du poète qui n’était qu’un enfant dans les années 40.
... No se estaba ya en guerra aquel verano
mi padre me llevaba de la mano
yo estudiaba segundo de jazmines.
Enfin, il n’y eu pas de guerre du tout cet été là
Mon père me pris par la main
J’étais alors en deuxième année d’étude des fleurs de jasmin



Et l’album se termine, telle une boucle que l’on ferme, avec la mélodie, mais avec d'autres paroles, transmettant toujours l’émotion, dans la simplicité des mots et des images évoquées. Au-delà des mots, la voix de la chanteuse et le violon d’Olvido Lanza culmine avec cette conclusion No pensar nunca en la muerte (Ne jamais penser à la mort)
No pensar nunca en la muerte
y dejar irse las tardes
mirando como atardece.

Ver toda la mar de frente
y no estar triste por nada...
Ne pensez plus jamais à la mort
Et laissez passer les après-midis
En regardant le coucher du soleil

Regarder le front de mer
Et ne plus jamais être triste de rien...



Mayte Martín : « Al cantar a Manuel »
Crédits :
Chant: Mayte Martín
Guitares: Mayte Martín et José Luis Montón
Contrebasse: Guillem Prats
Percussions: Chico Fargas
Violon: Olvido Lanza et Biel Graells

Post original : La discoteca d'AMPLI, LXIV: Al cantar a Manuel, de Mayte Martín