En France, deux personnalités dominent totalement ce XIVe siècle : Philippe de Vitry , théoricien et compositeur, puis Guillaume de Machaut, écrivain, poète et compositeur.
Philippe de Vitry (1291-1361) Il est le grand théoricien de son temps, l’auteur du traité « Ars nova » vers 1325. Il compose des motets polytextuels et isorythmiques (ce qui suppose la répétition en boucle de schémas rythmiques et mélodiques distincts, mais enchevêtrés).
L’Ars Nova va engendrer une véritable révolution, en proposant un nouveau système de notation :
>pour les valeurs rythmiques
>pour les indications de mesures
>pour les indications de changement de mode par les couleurs : rouge pour parfait, noir pour imparfait.
Avec ces possibilités d’indication de mesures, l’Ars Nova propose des combinaisons rythmiques complexes.
L’ars nova signe la première crise morale et politique du Moyen Age : déclin de l’emprise canonique de l’Eglise, et montée de la liberté d’expression. Les innovations de cette musique émeuvent à ce point les autorités de l’Église que le pape Jean XXII installé à Avignon, lance en 1324 un appel dont voici le passage essentiel :
« Certains disciples de la nouvelle école, tandis qu’ils mettent toute leur attention à mesurer les temps, s’appliquent à faire les notes de façon nouvelle, préfèrent composer leurs propres chants que chanter les anciens, divisent les pièces ecclésiastiques en semi-brèves et minimes ; ils hachent le chant avec les notes de courte durée, tronçonnent les mélodies par des hoquets, polluent les mélodies avec des déchants et vont jusqu’à les farcir de « triples » et de motets en langue vulgaire. Ils méconnaissent ainsi les principes de l’antiphonaire et du graduel, ignorent les tons qu’ils ne distinguent plus, les confondent même : sous cette avalanche de notes ; les pudiques ascensions et les discrètes retombées du plain-chant, par lesquelles se distinguent les tons eux-mêmes, deviennent méconnaissables. Ils courent sans se reposer, enivrent les oreilles au lieu de les apaiser, miment par des gestes ce qu’ils font entendre. Ainsi, la dévotion qu’il aurait fallu rechercher est ridiculisée et la lascivité qu’on aurait dû fuir est étalée au grand jour... »
Le traité de Philippe de Vitry (sur le site du Center for the History of Music Theory and Literature, Indiana University)
http://www.chmtl.indiana.edu/tml/14th/VITANV_MBAVB307.html
Guillaume de Machaut (Reims 1300-Reims 1373)
Machaut est un homme de synthèse, délibérément engagé dans le mouvement moderniste. Il demeure aussi le dernier "trouvère", continuant sur le plan littéraire l’œuvre des poètes courtois. Attaché à Jean de Luxembourg, roi de Bohême, dont il sera le secrétaire jusqu’à la mort de ce dernier à la bataille de Crécy (1346), Guillaume de Machaut voyagera à travers l’Europe avant de se fixer en 1340 à Reims.
Il fut aussi au service de : Bonne de Luxembourg, épouse de Jean II le Bon et mère de Charles le Sage, du roi de Navarre Charles le Mauvais, du roi Charles V et du duc de Berry.
Il est un maître de la polyphonie et un grand poète. Ses vingt-trois motets, en majorité profanes, souvent de rythmes identiques et à trois ou quatre parties, sont écrits sur un texte, soit français, soit latin, voire en superposant les deux langues.
L’unique messe qu’il compose : « La messe Notre-Dame » assurera la pérennité de son nom. Écrite à quatre voix, avec, pour certains mouvements, un accompagnement instrumental, elle demeure l’une des premières à grouper tous les éléments de l’ordinaire du service liturgique : Ite missa est, Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei. En apportant tous ses soins au rythme poétique, Machaut contribua à accélérer la transformation de la poésie lyrique en un genre purement littéraire.
Pour accéder à l’intégralité des textes de Guillaume de Machaud sur le site Medieval.org
Discographie disponible à la Médiathèque de Dole :
Ars Nova : une révolution de l'esprit et de la musique (XIVe siècle) / Machaut, Jacopo da Bologna, Landini. - Harmonia Mundi.
Guillaume de Machaut : "Mercy ou mort : chansons et motets d'amour" (Ferrara Ensemble, Crawford Young, dir.- Arcana, 2001
Guillaume de Machaut : "Les motets" (Ensemble Musica Nova). - Zig Zag Territoire : Harmonia Mundi, 2002
Guillaume de Machaut : "Messe Nostre Dame ; Motets et estampies du XIVe siècle" (Obsidienne, ens. voc. et instr. ; Emmanuel Bonnardot, dir.). -Harmonic Records
Guillaume de Machaut "Le jugement du Roi de Navarre" (Ensemble Gilles Binchois, orch. et choeur ; Dominique Vellard, dir). - Cantus, 1998
Ill. n° 1 : Prologue des Œuvres complètes de Machaut : Nature présentant à Machaut ses enfants, Sens, Réthorique et Musique Paris, Bibliothèque nationale de France
Ill. n° 2 : Philippe de Vitry, Traité Ars Nova, Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana
Ill. n° 3 : Guillaume de Machaut, Messe. Reims, vers 1372-1377. Paris, BNF, département des Manuscrits, Français 1584, fol. 448v.