En juillet dernier, nous avons proposé un dossier sur les fichiers numériques audio (MP3, FLAC, WAV, ALAC, AIFF, ...), avec un focus sur la haute-résolution audio (Hi-Res).
Une question importante restait cependant en supens : y-a-t'il une différence audible de qualité entre un MP3, un CD et un fichier 24 bit haute-résolution ? Heureuse coïncidence, The Guardian a consacré, il y a quelques semaines, un article sur ce sujet How much difference is there between MP3, CD and 24-bit audio? Précision : bien que deux marques commerciales de Hi-Fi (Linn et Graham) soient complaisamment citées dans l'article, celui-ci n’est pas pour autant un publireportage. On verra que la haute-résolution n’y est pas survendue, au contraire les journalistes se montrent, sinon perplexes, en tout cas mesurés et critiques lorsqu'ils livrent leurs impressions d’écoute.
La haute-résolution audio tient-elle ses promesses ?
Pour tenter de répondre à cette question, The Guardian a organisé un test comparatif en faisant appel à Linn, fabricant de matériel hi-fi, fournisseur de musique en haute-résolution depuis 2007, et label de musique classique (Linn records) ayant accès aux masters originaux enregistrés par les artistes, les formations et les orchestres. Ainsi, trois membres du quotidien britannique : Tim Jonze, journaliste musical, Jason Phipps, journaliste scientifique et producteur de podcast, et Samuel Gibbs, spécialiste des nouvelles technologies se sont retrouvé au magasin de Hi-fi Graham dans le quartier d’Islington (au Nord de Londres). Il s'agissait d'écouter une sélection de titres, à partir de 4 formats : MP3 128 kbps, MP3 320 kbps, CD, 24-bit studio master, tous joués sur le même matériel Hi-Fi.
Qu’est-ce que la Hi-Res ?
Le terme “Hi-Res” devrait se répandre dans les médias dans les prochains mois, à mesure que les fabricants de matériel électronique vont investir le domaine de la musique haute-résolution à destination des smartphones, des tablettes et des casques. Il y a encore une ambiguïté sur ce qui peut être désigné comme vraiment Hi-Res. Pour Gilad Tiefenbrun, directeur de Linn, “ Il y a une confusion entre ce qui est et ce qui n’est pas Hi-Res. [...] Pour nous, la musique Hi-Res c’est l’édition Studio Master 24 bits, c'est à dire l’enregistrement original, en amont de tous les autres formats." Et pour Tiefenbrun, il apparaît inévitable qu'à la suite du battage médiatique autour du Pono de Neil Young, les grandes compagnies comme Apple, Amazon, et Spotify se lancent également sur ce créneau. Rappelons qu'il existe aujourd'hui deux formats physiques audio en Hi-Res le SACD (dont l'arrêt de fabrication est programmé par les majors) et le blu-ray audio lancé à titre expérimental en France l'an dernier par Universal (source). Enfin, il existe cinq formats numériques ayant obtenu le label HRA (High Resolution Audio) : FLAC, ALAC, WAV, AIFF et DSD. Ces derniers doivent avoir une résolution supérieure au CD 44.1 kHz/16 bits.
Est-ce que la Hi-Res sonne réellement mieux qu’un MP3 ou qu’un CD ?
Tim Jonze a perçu une différence mais pas autant qu'attendu :
"Les enregistrements Hi-Res étaient plus nets et plus clairs, chaque partie instrumentale émergeant de la masse sonore. Mais pour apprécier cette différence, il m'a fallu faire un effort de concentration.
Si cette musique avait été simplement diffusée en fond sonore, je n’aurais pas pu remarquer de différence entre le studio master et le pire des MP3 compressés.
En écoutant attentivement la ligne de basse sur Pinball Wizard des Who, on parvient à suivre où les notes se déplacent, et non pas juste à saisir une impression générale."
"La différence entre le MP3 et le CD est plus marquée. J’ai eu du mal à saisir la différence entre le CD et le studio master. Même si au final la différence existe bien, elle est plus subtile, et je pense que cela dépend de la manière dont on écoute la musique.
Ma manière préférée d’écouter de la musique, c’est avec un casque en marchant. C’est ainsi que j’arrive à me perdre complètement dans la musique, mais ce n’est jamais vraiment le son précisément qui m’intéresse, plutôt la façon dont la musique me transporte émotionnellement dans un autre univers de rêve éveillé. Ça m’emporte ailleurs, plutôt que ça me plonge dedans. Et à la vérité, je trouve le son impressionniste d’un MP3 tout aussi efficace pour me procurer cet état émotionnel, que le réalisme photographique d’un studio master."
Jason Phipps reste partagé sur la valeur ajoutée des fichiers studio masters :
"Pourrais-je faire la différence? Cela dépend de l'enregistrement. En écoutant One of These Things First de Nick Drake, et en comparant le MP3 très compressé, le MP3 haute-qualité, jusqu’au studio master, j’ai personnellement eu du mal à discerner une différence notable, si ce n'est dans les basses fréquences : la ligne de basse, et les cordes basses de la guitare. La différence restait subtile pour mes oreilles."
"Mais en écoutant qu’autres titres, le gap de qualité s’est révélé plus prononcé. En partant du fichier en basse résolution jusqu’au studio master de l’enregistrement de l’ouverture de West Side Story, on parvient à distinguer une myriade d’instruments, avec une clarté et une profondeur améliorée. Même impression avec Pinball Wizard des Who. Plus il y a de couches instrumentales, plus frappante est la différence entre les fichiers numériques basse et haute résolution."
"Dans certains cas, cependant, la clarté du fichier Hi-Res a eu un effet globalement "refroidissant" sur la musique : la clarté crée trop d’espace dans la musique, elle en diminue la chaleur et la cohésion."
Pour Samuel Gibbs, c'est également un "oui, mais..." :
"Mon impression à la fin de cette session d’écoute est que oui, il y a bien une différence de qualité entre un MP3 téléchargé sur les plateformes les plus fréquentées et un fichier 24-bit. [...]. Mais ce n’est pas toujours une bonne chose. Et le gap de qualité n’est pas comparable à celui marquant la différence entre la définition standard et la haute-définition en vidéo.
Globalement, les studio masters apportent un son plus plein, plus spacieux, et moins plat. Même si certains titres sonnent presque à l’identique en Hi-Res et en CD. D’autres, comme The Pinball Wizard, marquent une différence en Hi-Res : ils sonnent plus réels, plus brutes, plus naturels, comme lorsque l’on écoute de la musique vivante.
Mais cette différence n’est pas toujours un gain. Ce fut décevant d’entendre un enregistrement de Nessun dorma (Turandot / Puccini) par Pavarotti qui sonnait pire en studio master. Cela révélait le fait que l’orchestre et le ténor avaient été enregistrés séparément dans des environnement différents. Ils semblaient comme déconnectés, une chose qui était masquée dans la version CD.
Ce que j'ai pu constater c'est qu’un MP3 de basse qualité sonne mal, et qu’inversement un MP3 à 320 kbps sonne bien, et qu'une anomalie dans la chaîne de production de l'enregistrement peut avoir des résultats inattendus avec un studio master."
Référence :
How much difference is there between MP3, CD and 24-bit audio?, The Guardian, 21/08
High-resolution audio - Wikipedia (enanglais)