Désormais, sa vie avait un sens : c'était la vie d’un collectionneur. Soir après soir, il classait ses coupures, les comptait sous les yeux indulgents de Mme Povondra qui savait bien que tous les hommes sont à moitié fous, à moitié enfants ; mieux vaut jouer avec des coupures que d’aller au café ou de jouer aux cartes. Elle alla même jusqu’à faire de la place pour ses boîtes dans son armoire à linge — peut-on demander davantage à une femme et à une ménagère !
G.H. Bondy lui-même fut frappé, je ne sais trop à quelle occasion, des connaissances encyclopédiques de M. Povondra en matière de salamandres. Un peu timidement, M. Povondra lui avoua qu’il collectionnait tout ce qui s’imprimait sur les salamandres et lui montra ses boîtes. [...] M.Bondy ordonna tout simplement aux bureaux du Syndicat des Salamandres d’envoyer à Povondra toutes les coupures sur les salamandres dont on avait pas besoin pour les archives ; et M. Povondra, heureux et quelque peu débordé, recevait journellement des paquets de documents dans toutes les langues du monde ; et c’étaient surtout les journaux imprimés en cyrillique, en grec, en hébreu, en arabe, en chinois en bengali, en tamil en javanais ou en taali qui lui inspiraient un pieux respect.
— Qui croirait, se disait-il en les contemplant, que sans moi tout cela ne serait pas ?
Comme nous l’avons déjà dit, la collection de M. Povondra contient beaucoup de documents sur toute l’histoire des salamandres ; cela ne veut pas dire qu’elle pourrait satisfaire un historien sérieux. D’abord, M. Povondra, qui n’avait pas reçu une formation spécialisée dans le domaine des sciences historiques auxiliaires ni dans celui des méthodes archivistiques, n’indiqua pas sur les coupures ni leur source ni leur date ; ce qui fait qu’en général, nous ignorons même quand tel ou tel document a été publié.
Deuxièmement, vu l’abondance du matériel qui s’accumulait entre ses mains, M. Povondra avait surtout tendance à conserver les articles longs, qu’il croyait être les plus importants, et à jeter les nouvelles brèves et les dépêches dans la caisse à charbon ; de sorte qu’il ne nous reste sur cette période que bien peu d’informations et de faits. Troisièmement, la main de Mme Povondra joua un grand rôle dans cette affaire : quand les boîte de M. Povondra menaçaient de déborder, elle retirait silencieusement, en secret, une partie des coupures pour les brûler ; cela se produisait plusieurs fois par an. Elle épargnait seulement celles qui ne s'accumulaient pas si vite, comme les collections malabares, tibétaines ou coptes ; ces collections sont presque complètes mais, vu certaines lacunes dans notre culture, elles ne nous servent pas à grand-chose. [...] ce n'est que par hasard que nous sont parvenus des documents sur certaines phases de cette grande période de l'histoire mondiale que nous tâcherons, malgré toutes les lacunes, de résumer sous le titre : La Civilisation en Marche.
Karel Čapek, La Guerre des salamandres (1936), traduit du tchèque par Claudia Ancelot
Erwin Schulhoff - Cinq études de jazz (1926)
Markus Schlemmer, piano
Erwin Schulhoff (1894-1942) - wikipédia - musicologie.org
Jazz Q Praha - Pralesní píseň
discogs - wikipédia
Bohuslav Martinů - Fantaisie pour theremin
Thorwald Jørgensen, theremin
Bohuslav Martinů (1890-1959) - wikipédia
The Plastic People Of The Universe - Fuddle Duddle Osh Kosh (1972)
wikipedia - discogs
Leoš Janáček - Sinfonietta - London Symphony Orchestra, Simon Rattle
Barbican Hall, Londres, septembre 2018