20 février 2007

Les troubadours : musique française #2

Du latin à l'ancien français
Le Moyen Age voit s’opérer un profond changement linguistique : on passe du latin classique à l’ancien français, après une période de transition par le roman. Les premiers documents connus écrits en roman sont :
Les Serments de Strasbourg, un texte politique datant de 842. Ces serments ont été prononcés par les petits-fils de Charlemagne : Charles le Chauve et Louis le Germanique lors du partage de l’empire (déjà l’alliance franco-allemande !) et Le Cantilène de sainte Eulalie, un document religieux écrit aux environs de l’an 878.
Langue d'oc et langue d'oïl
À partir du IXe siècle, on décèle une ligne de démarcation linguistique correspondant au tracé de la Loire et séparant la langue d’oïl, au Nord, de la langue d’oc, au Sud.
La langue d'oc et les troubadours
La langue d’oc comprend de très nombreux dialectes : provençal, languedocien, gascon, limousin, auvergnat, dauphinois et savoisien. Le mot « troubadour » appartient à la langue d’oc : il désigne les poètes du Sud de la Loire. Troubar, (même racine que trouver) signifie composer des vers. Les troubadours sont des poètes lyriques qui accompagnent leurs poèmes de musique. Ils exercent leur art auprès des grands seigneurs du sud de la France, entre la fin du XIe siècle jusqu’à la fin du XIIIe siècle. Le mot « trouvère », qui signifie la même chose en langue "oïl", désignera les poètes du Nord de la Loire, héritiers des troubadours. La plupart des troubadours sont à l’origine, non pas des baladins itinérants, mais des seigneurs, certains comme Guillaume IX d’Aquitaine, possédant même le titre de prince ou de roi. La cour d’Aliénor d’Aquitaine et celle des comtes de Toulouse apparaissent comme les plus brillantes en matière de poésie.
Les poèmes lyriques des troubadours, nouveaux par leur forme, leurs mélodies et leurs rythmes, restent parmi les premiers textes écrits en langue d’oc.
La poésie chantée courtoise
La poésie des troubadours célèbre l’amour courtois, et manifeste l’idéal chevaleresque.
Ces poèmes peuvent prendre diverses formes :le canso (chanson à strophes), le tenso (dialogue ou controverse), le sirvente (canso politique ou satirique), le planh (complainte ou chant funèbre), l’alba (chant matinal), et la serena (chant du soir).
Cette poésie courtoise des trouvères et des troubadours est contemporaine des Croisades. Rappelons que les croisades furent des expéditions militaires entreprises par les chrétiens d’Occident à partir de 1095, habituellement à la demande du pape, pour soustraire de la domination des musulmans les lieux saints de Palestine, et notamment le tombeau du Christ à Jérusalem. Les croisades, au nombre de huit, se sont achevées en 1270.
Jaufré Rudel (v.1120-v.1160) troubadour
J. Rudel est le plus ancien troubadour dont on a pu conservé un nombre conséquent d’œuvres.
Au Moyen Age, sa vie a fait l’objet d’une biographie légendaire.
"Jaufres Rudels de Blaia si fo mout gentils hom, princes de Blaia. Et enamoret se de la comtessa de Tripol, ses vezer, per lo ben qu’el n’auzi dirc als pelerins que venguen d’Antiocha."
Seigneur de Blaye (Gironde), Jaufré Rudel part pour la 2e croisade en 1147, emmenée par Charles VII, roi de France et Conrad III, empereur du Saint Empire germanique. Il mène une vie mouvementée, dont une partie appartient peut-être à la légende : il tombe amoureux de la princesse de Tripoli (Liban), se languit d’elle toute sa vie, et finit par la rencontrer pour mourir dans ses bras.
Jamais d'amour je ne jouirai
Se non jausis d'amors de loing,
Et bien sait que grievment l'aurai
Car trop sint nostres terres loing.
Jamais d'amour je ne jouirai / si je ne jouis d'amour lointain, / mais je sais bien que difficilement l'aurai / car nos terres sont trop éloignées. (extrait de La que li jor)
Discographie :
Manuscrit du Roi : trouvères et troubadours / Gérard Zuchetto & Katia Caré, Ensemble Perceval. - Arion, 1993
Trob'art concept 1 / Gérard Zuchetto, Troubadours Art Ensemble. Alienor : Harmonia Mundi, 2000