27 janvier 2020

Jacek Kaczmarski "Stalker" (d'après le film d'Andréi Tarkovski) : chanson #131



Jacek Kaczmarski (1957-2004), surnommé le "barde de Solidarność", est un poète et un chanteur très populaire et célébré en Pologne.

Héritier et disciple de Vladimir Vyssotski, de Bulat Okudzhava, de Georges Brassens et de Bob Dylan, Jacek Kaczmarski puisa plus largement ses sources d’inspiration dans la littérature polonaise et mondiale.

Plus étonnant, nombre de ses chansons font référence aux tableaux des grands maîtres de la peinture : près d'une trentaine de chansons rendent hommage à Dürer, Bruegel, Picasso, Goya, Manet, Bosch, Klee, Munch, Dali, Velázquez, ...)  et aux chefs d'oeuvre du cinéma : La nuit des forains d' Ingmar Bergman, Casanova de Federico Fellini, ... Andreï Roublev et Stalker d'Andréi Tarkovski.

Jacek Kaczmarski  "Stalker" (d'après le film d'Andréi Tarkovski)


Stalker
(według filmu A.Tarkowskiego)

Kogóż to z nas tonący nie wiózł wrak?
Któż z nas zaprzeczyć może że ułomny?
Kogóż nie łudził oślepiony ptak?
Kogóż w bezludzie nie wiódł pies bezdomny?




A przecież wciąż przyciąga strefa ogrodzona
I ogrodzona nie bez celu – chcemy wierzyć
To nie my w Zonie, to nam odebrana Zona
Nam ją niepewnym, ale własnym krokiem mierzyć
Póki nadziei gorycz wreszcie nie pokona.




Dlatego, mimo druty, wieże i strażnice
Tam chcemy dotrzeć, gdzie nam dotrzeć zabroniono
Bezużyteczne, śmieszne posiąść tajemnice
Byleby jeszcze raz gorączką tęsknot płonąć
Nim podmuch jakiś strzepnie chwiejne potylice.



Droga okrężna może być i oszukańcza,
Może nas wiedzie szalbierz chciwy paru groszy,
Lecz lepsze to, niż śmierć na wapniejących szańcach
U progu granic niewidzialnych i aproszy,
Gdzie ziewa żołnierz tak podobny do skazańca.

Po zatopionych dawno droga to dolinach;
Pod płytką wodą nieczytelne czasu grypsy:
Szlak po ikonach, rękopisach, karabinach
Nad którym wiosło kreśli plusk Apokalipsy;
Nie po nas płacz – i nie po przodkach – płacz po synach.



Więc prawda, którą znaleźć nam to pusty pokój
Gdzie nagle dzwonią wyłączone telefony?
Serdeczna krew snująca w martwym się potoku,
Bezsilny gniew na obojętność Nieboskłonu
I magia słów, co chronić ma od złych uroków?




Więc prawda, którą znaleźć nam to stół z kamienia,
Z którego przedmiot modłów spadł nietknięty dłonią?
W stukocie kół transportu – Aria Beethovena?
Bezdenna toń, a nad bezdenną tonią
Twarz własna co przegląda się w przestrzeniach?


Z tonących – komu los nie zesłał tratw?
Z ułomnych – zdrowia nie przywrócił komu?
Gdy oślepiony ptak odnalazł ślad
I pies bezdomny siadł na progu domu.
Stalker
(d'après le film d'Andréi Tarkovski)

Qui de nous n’a jamais voyagé sur une épave en train de sombrer ?
Qui de nous peut nier qu’il est imparfait ?
Qui de nous n’a jamais été égaré par un oiseau aveuglé ?
Qui n’a jamais été guidé à travers la lande par un chien errant ?

Et pourtant la zone clôturée nous attire toujours
Nous voulons croire qu’elle n’est pas interdite pour rien.
Cette Zone qui nous a été enlevée
A nous de l’arpenter de nos propres pas, même dans l’incertitude
Jusqu’à ce que tout espoir, vaincu par l’amertume, soit perdu

Ainsi, malgré les barbelés, les postes de garde, et les tours de guet,
Nous voulons aller là où nous n’avons pas permission d’aller.
Pour posséder des secrets ridicules et inutiles
Si seulement la fièvre d’une passion nous embrasait encore une fois
Avant qu’une décharge nous abatte la nuque.

Le chemin est peut-être sinueux et trompeur,
Notre guide, un escroc qui n’est là que pour l’argent
Mais reste préférable à la mort sur des remparts calcifiants,
Au seuil de frontières invisibles, où baille
un soldat semblable à un condamné.

Un long chemin dans les vallées inondées ;
Sous l’eau peu profonde des messages secrets illisibles ;
Un sillage d'icônes, de manuscrits, et de fusils
Sur lequel la pagaie dessine un clapot d’Apocalypse ;
Ne pleurez ni pour nous ni pour nos ancêtres - pleurez pour nos fils.

Alors la vérité, que nous trouvons est une pièce vide
Où soudain des téléphones débranchés se mettent à sonner ?
Le sang le plus cher, qui coule lentement dans un ruisseau mort,
Une colère impuissance face à l’indifférence du ciel,
Et la magie des mots pour se protéger des mauvais envoûtements ?

Alors la vérité, que nous trouvons est  une table de pierre,
D’où est tombé l'objet des prières, sans être touché ?
Dans le bruit des roues du véhicule - Un air de Beethoven ?
Abîme sans fond, et au-dessus, suspendu,
Notre propre visage, se regardant dans les espaces ?

Des noyés - à qui le sort n’a pas envoyé de radeau ?
Des malades - à qui il n’a pas accordé de guérison ?
Quand l’oiseau aveuglé a enfin trouvé la piste
Et le chien errant s’est enfin assis au seuil de la maison.

(traduction littérale par nb, avec le support d'une traduction en anglais - par Jadwiga Smulko et Ryszard P. Kostecki)


à propos de :
Jacek Kaczmarski - wikipédia - discogs -
Stalker (1979) d'Andréi Tarkovski - wikipédia - imdb -

20 janvier 2020

Propaganda "A dream within a dream" : chanson #130

Inception, symbolisme et synthpop allemande 



Propaganda est un groupe allemand de new wave synthpop originaire de Düsseldorf, formé en 1982 par la chanteuse Claudia Brücken, le batteur Michael Mertens et les claviéristes Susanne Freytag et Ralf Dorper.
Vers 1984, ils sont signé par ZZT Records, le label de Trevor Horn (Art Of Noise, Frankie Goes To Hollywood, ...) avec un 1er EP The Nine Lives Of Dr. Mabuse et partent s'installer au Royaume-Uni.
Wikipédia - Discogs - Allmusic -

Propaganda - Dream within a dream (poéme d'Edgar Allan Poe) - A Secret Wish (ZZT, 1985)



A DREAM WITHIN A DREAM 
Take this kiss upon the brow!
And, in parting from you now,
Thus much let me avow-
You are not wrong, who deem
That my days have been a dream;
Yet if hope has flown away
In a night, or in a day,
In a vision, or in none,
Is it therefore the less gone?
All that we see or seem
Is but a dream within a dream.

I stand amid the roar
Of a surf-tormented shore,
And I hold within my hand
Grains of the golden sand-
How few! yet how they creep
Through my fingers to the deep,
While I weep–while I weep!
O God! can I not grasp
Them with a tighter clasp?
O God! can I not save
One from the pitiless wave?
Is all that we see or seem
But a dream within a dream?
UN RÊVE DANS UN RÊVE
Tiens ! ce baiser sur ton front ! Et, à l’heure où je te quitte, oui, bien haut, que je te l’avoue : tu n’as pas tort, toi qui juges que mes jours ont été un rêve ; et si l’espoir s’est enfui en une nuit ou en un jour, – dans une vision ou aucune, n’en est-il pour cela pas moins PASSÉ ? Tout ce que nous voyons ou paraissons n’est qu’un rêve dans un rêve.



Je reste en la rumeur d’un rivage par le flot tourmenté et tiens dans la main des grains du sable d’or – bien peu ! encore comme ils glissent à travers mes doigts à l’abîme, pendant que je pleure – pendant que je pleure ! Ô Dieu ! ne puis-je les serrer d’une étreinte plus sûre ? Ô Dieu ! ne puis-je en sauver un de la vague impitoyable ? Tout ce que nous voyons ou paraissons, n’est-il qu’un rêve dans un rêve ?

traduction de Stéphane Mallarmé

Stéphane Mallarmé (1842-1898), qui fut professeur d'anglais, publia en 1889 une traduction en prose des poèmes d'Edgar Poe, dédiée à la mémoire de Charles Baudelaire, Que la Mort seule empêcha d’achever, en traduisant l’ensemble de ces poèmes, le monument magnifique et fraternel dédié par son génie à EDGAR POE..

Poèmes d'Edgar Poe, avec illustrations par Édouard Manet, Bruxelles, Edmond Deman, 1888 [wikisource]

19 janvier 2020

Le capharnaum #69 : Un ensemble bizarre qui tient du palais et de la chaumière

J’ai trouvé là tous les débris de mes diverses fortunes, les restes confus de plusieurs mobiliers dispersés ou revendus depuis vingt ans. C’est un capharnaüm comme celui du docteur Faust. Une table antique à trépied aux têtes d’aigles, une console soutenue par un sphinx ailé, une commode du dix-septième siècle, une bibliothèque du XVIIIe, un lit du même temps, dont le baldaquin, à ciel ovale, est revêtu de lampas rouge (mais on n’a pu dresser ce dernier) ; une étagère rustique chargée de faïences et de porcelaines de Sèvres, assez endommagées la plupart ; un narguilé rapporté de Constantinople, une grande coupe d’albâtre, un vase de cristal ; des panneaux de boiseries provenant de la démolition d’une vieille maison que j’avais habitée sur l’emplacement du Louvre, et couverts de peintures mythologiques exécutées par des amis aujourd’hui célèbres ; deux grandes toiles dans le goût de Prudhon, représentant la Muse de l’histoire et celle de la comédie. Je me suis plu pendant quelques jours à ranger tout cela, à créer dans la mansarde étroite un ensemble bizarre qui tient du palais et de la chaumière, et qui résume assez bien mon existence errante. 
Gérard de Nerval - Aurélia ou Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868 (Wikisource)


Jacques - Hoohoohoo Hahaha


Jacques Auberger est un producteur de musique électronique né à Strasbourg en 1991.
- wikipédia -

Raymond Devos - J'ai des doutes


Raymond Devos (1922-2006) interprétant la 5e étude en si mineur de Fernando Sor (1778-1839)

Hannigan & GSO - Mysteries of the Macabre de György Ligeti


Barbara Hannigan est une soprano et cheffe d'orchestre canadienne, née le 8 mai 1971 à Halifax (Nouvelle-Écosse).
Tout en dirigeant l'Orchestre symphonique de Göteborg (GSO), Barbara Hannigan interprète ici Gepopo, chef de la police secrète, dans Mysteries of the Macabre, un arrangement par Elgar Howarth de trois airs tirés de l'opéra de György Ligeti Le Grand Macabre.
- wikipédia -

Юрий Викторович Руделёв [Yuri Rudelev] - Широка страна моя родная [Vaste est ma patrie]


Юрий Викторович Руделёв {Yuri Rudelev] (1952-2012) publia sur sa géniale chaîne Youtube zonaromega de 2007 à 2012 plus de 180 vidéos où il interprétait des chansons du répertoire russe et des hymnes patriotiques, devant un fond d'écran vert avec incrustation de captures de jeux vidéo en monde ouvert (Elder Scrolls, FPS, ...) accompagné d'un chœur d'improbables compagnons (dinosaure, licorne, requin, koala,...) . Il chante ici le chant patriotique Vaste est ma Patrie (wikipédia en russe - à propos de la chanson)
- à propos d'Yuri Rudelev (en russe) -

The Aristocrats - Erotic Cakes


The Aristocrats est un groupe de rock progressif / jazz fusion metal de Los Angeles formé en 2011. Le trio est composé de Marco Minnemann (batterie), Guthrie Govan (guitare) et Bryan Beller (basse). Leurs sources d'inspiration vont de Frank Zappa à Rage Against the Machine, en passant par King Crimson et Return to Forever.
- Wikipédia - Discogs - Allmusic

14 janvier 2020

Vladimir Vyssotski chante "Моя цыганская" [Ma tzigane] et son adaptation en français "Plus rien ne va" : chanson de la semaine #129

Vladimir Vyssotski [Владимир Высоцкий] (1938-1980), chanteur et comédien moscovite très populaire, a écrit et composé plus de 600 chansons, dont très peu cependant furent éditées de son vivant en Russie (Un album chez Melodiya en 1978).

Vyssotski créa  Ma (chanson) tzigane pendant l'hiver 1967-1968, et l'enregistrera à de multiples reprises, sous différents titres Цыганочка [Tsigane], Моя цыганочка [Ma tzigane], Вариации на цыганские темы [Variations sur des thèmes tziganes], Всё не так [Ça n'est pas ça], В сон мне — жёлтые огни [Mon rêve, lumières jaunes].

Il circule ainsi 34 interprétations de Ma Tsigane enregistrées par Vyssotski entre 1968 et 1979, en Russie, mais aussi hors du territoire soviétique.

La chanson "Моя цыганская" - article wikipedia en russe






Моя Цыганская
В сон мне - жёлтые огни,
И хриплю во сне я:
- Повремени, повремени,-
Утро мудренее!
Но и утром всё не так,
Нет того веселья:
Или куришь натощак,
Или пьёшь с похмелья.

В кабаках - зелёный штоф,
Белые салфетки.
Рай для нищих и шутов,
Мне ж - как птице в клетке!
В церкви смрад и полумрак,
Дьяки курят ладан.
Нет! И в церкви всё не так,
Всё не так, как надо.

Я - на гору впопыхах,
Чтоб чего не вышло.
А на горе стоит ольха,
А под горою вишня.
Хоть бы склон увить плющом,
Мне б и то отрада,
Хоть бы что-нибудь ещё...
Всё не так, как надо!

Я тогда по полю, вдоль реки.
Света - тьма, нет бога!
А в чистом поле васильки,
Дальняя дорога.
Вдоль дороги - лес густой
С Бабами-Ягами,
А в конце дороги той -
Плаха с топорами.

Где-то кони пляшут в такт,
Нехотя и плавно.
Вдоль дороги всё не так,
А в конце - подавно.
И ни церковь, ни кабак -
Ничего не свято!
Нет, ребята, всё не так,
Всё не так, ребята!
Ma chanson tzigane
Dans mon rêve, des lumières jaunes,
Et dans mon rêve, je me répète :
- Attends un peu, attends un peu,
Le matin qui vient sera plus calme!
Mais au matin, ça ne va pas,
Rien de réjouissant :
Ou tu fumes à jeun,
Ou tu bois sur ta gueule de bois.

Dans les tavernes, bouteilles vertes,
et serviettes blanches.
Paradis des épaves et des bouffons,
Et moi - comme un oiseau en cage!
Dans l’église crépusculaire puante d'humidité,
Des diacres brûlent de l’encens.
Non ! A l’église ça ne va pas,
Tout ne va pas comme il se doit.

Je me démène sur une montagne,
Alors ça ne sert à rien.
Et sur la montagne se dresse un arbre,
Et en bas de la montagne il y a une cerise.
Si au moins du lierre poussait sur la pente,
J’en serais content,
Tout ne va pas comme il se doit.


Et je vais par les champs, le long de la rivière,
Lumière - ténèbres, il n’y a pas de dieu!
Dans le champ il y a des bleuets,
La route est longue.
Le long de la route - Une forêt épaisse
pleine de sorcières (Baba-Yaga)
Et au bout de la route
Un billot et des haches.

Quelque part, des chevaux dansent en cadence,
A contrecœur, indolemment.
Tout va mal le long de la route.
Et à la fin, c’est encore pire,
Ni l'église, ni la taverne,
Rien n’est sacré !
Non les gars, ça ne va pas,
ça ne va pas, les gars !

Traduction littérale par nb du texte original avec comme support les traductions en anglais, allemand, italien, tchèque, croate, hongrois, roumain proposées sur le site Lyricstranslate.com

***

Vladimir Vyssotski chante en français "Plus rien ne va" 

Pendant un séjour en France avec son épouse Marina Vlady à la fin des années 70, Vyssotski rencontre Maxime Le Forestier qui lui présenta une adaptation en français de deux de ses chansons : Le Vol arrêté et Rien ne va (d'après "Моя цыганская" [Ma tzigane]).

Vladimir Vyssotski - Plus rien ne va
adaptation du texte en français par Maxime Le Forestier

"Sommeillant, je vois la nuit des crimes lourds où l'on saigne
Pauvre de moi, pauvre de moi, l'outre est pleine à craquer
Au matin, comme il est âcre le goût du vin maudit !
Va, dépense tout mon crédit car j'aurai soif aujourd'hui

Rien ne va, plus rien ne va
Pour vivre comme un homme, comme un homme, comme un homme droit
Plus rien ne va
Pour vivre comme un homme doit !

Dans tous les cabarets sans fond où je m'enterre chaque nuit
Je suis l'empereur des bouffons, le frère de n'importe qui
Je vais vomir mon repentir au pied des tabernacles
Mais comment prier dans la fumée de l'encens des diacres ?

Rien ne va, plus rien ne va

[...] " (extrait)

***

Sources et références :
Vladimir Vyssotski - wikipédia - discogs

Podcast :
France Culture - Une vie une oeuvre - Vladimir Vyssotski, le cri de l’âme (1938-1980)


13 janvier 2020

Revue de presse de l’actualité musicale : novembre - décembre 2019


Industrie musicale

La musique en streaming

Le disque

Musique et droits d'auteur

Musique et politique culturelle

Musique et marketing

Musique et spectacle vivant

Musique, recherche et création

Musique et médiation

Chanson francophone

Rap, hip-hop, musiques urbaines

Commémorations et disparitions

Et pendant ce temps dans les médiathèques...

07 janvier 2020

Alain Bashung 77-83 : figures, fastes et failures


Douze morceaux choisis dans ses cinq premiers albums (1977-1983)

Tracklist :

  1. Kimono (Roman-photos, 1977)
  2. Te revoir (Roman-photos, 1977)
  3. Elsass Blues (Roulette russe, 1979)
  4. Squeeze (Roulette russe, 1979)
  5. Vertige de l'amour (Pizza, 1981)
  6. Rebel (Pizza, 1981)
  7. C'est comment qu'on freine (Play blessures, 1982)
  8. Scène de manager (Play blessures, 1982)
  9. Volontaire (Play blessures, 1982)
  10. What's in a bird (Figure imposée, 1983)
  11. Chaque nuit Bébé (Figure imposée, 1983)
  12. Élégance (Figure imposée, 1983)


Podcasts à écouter : 
Bashung, de l'aube à l'aube - France Inter (une série de 10 épisodes)
Une vie une oeuvre : Alain Bashung (1947 - 2009), la musique du hasard - France Culture
A voix nue :  Boris Bergman, le joueur de mots (3/5) : Alain Bashung ou le vertige d’une rencontre (1974-1989)
Le grand atelier :  Hommage à Alain Bashung - France Inter, 18/07/2019
"Flashback : Alain Bashung "de Philippe Barbot (2008) - Musée de la Sacem

A propos d'Alain Bashung
sur le site Les auteurs et compositeurs de la chanson francophone


05 janvier 2020

"Ce sont les dandys de Brummell" : la chanson de la semaine #128

George Brummell (1778-1840)

Le personnage du dandy, figure hautaine, fantasque, originale et décadente traverse la littérature, l'art et la musique des XIXe et XXe siècles :

en Angleterre de Lord Byron à Oscar Wilde jusqu'à David Bowie
en France d'Eugène DelacroixBarbey d’Aurevillyet Charles Baudelaire à Marcel Proust (et ses personnages Charles Swann et le Baron de Charlus),
sans oublier Stéphane MallarméJoris-Karl Huysmans (Des Esseintes, dandy reclus d'A rebours), Alfred Jarry, Erik Satie, et Jean Cocteau, ...
les dadaïstes, surréalistes, lettristes et situationnistes (Arthur CravanJacques Vaché, Jacques Rigaut,  Salvador Dali, Guy Debord, ...), ...
jusqu'au classieux et provocateur Serge Gainsbourg, au punk du Palace Alain Pacadis, voir à Alain Bashung nommé dandy des matins blêmes...

Ajoutons que le dandysme n'est pas plus un privilège masculin : George Sand, Colette, Marlène Dietrich, Greta GarboFrançoise Sagan, ... qu'il n'est attaché à la vieille Europe : Andy Warhol, Prince, Marilyn MansonLady Gaga, ...

Cette longue filiation trouve sa source avec Beau Brummell (1778-1840), le modèle et l’archétype du dandy, dont s'inspira Reynaldo Hahn  dans une opérette créée au théâtre des Folies Wagram en 1931.

Brummell, opérette en 3 actes et 5 tableaux
création au théâtre des Folies Wagram, 1931
Livret de Rip et Robert Dieudonné
Musique de Reynaldo Hahn
 "En fait de dandysme, Reynaldo Hahn est un des favoris du genre. Artiste mondain, homme de salon, conférencier, critique toujours en bonne place aux "premières", ami de Proust - et même amant - ami de grandes dames - et même amant - il est encore fin musicien et très bon chanteur. D'ailleurs le style du chant de Louis Arnoult n'est pas sans évoquer l'art du maître.C'est donc avec une très grande finesse, et toujours élégamment, qu'il a su souligner, en 1931, par sa musique les paroles spirituelles du livret presque taillé sur mesure par Rip et Dieudonné." 
La gloire de l'opérette (Frémeaux & associés) [lien]






Ce sont les dandys de Brummell, chanté par Louis Arnoult, chanteur lyrique, ténor, dans le rôle de Dick Fryatt


Ce sont les dandys de Brummell*
Grands vizirs* du Prince de Galles*
Habits Jonquille ou Caramel
Ce sont les dandys de Brummell

Aussi pauvres que des cigales
Mais riches de l’or d'Israël*
Ce sont les dandys de Brummell
Grands vizirs du Prince de Galles

Leur mépris de tout est formel
Et leurs dettes sont sans égales
Qu’ils soient en cab* ou sur un mail*
Leur mépris de tout est formel

Ce sont des pestes et des gales
Gémit le bourgeois solennel
Leur mépris de tout est formel
Et leurs dettes sont sans égales

Ils font du gin leur Hydromel
Leurs amours sont très illégales
L’allemand dit Gott im Himmel* !
Ils font du gin leur hydromel

Le français guette leurs scandales
Et nous nous disons “Very well”
Ils font du gin leur hydromel
Leurs amours sont très illégales

Voici les dandys de Brummell
Grands vizirs du Prince de Galles
Coulez whisky, Brandy, Kummel*
Voici les dandys de Brummell

Leurs vertus peu théologales
Préfèrent le bouge* au Carmel*
Voici les dandys,voici les dandys
Voici les dandys de Brummell

*George Brummell (1778-1840) est considéré comme le premier dandy
*Grand vizir, premier ministre sous l'empire ottoman
*Brummell fut l'ami et le protégé du Prince de Galles, futur Georges IV (1762-1830)
*or d'Israël = allusion chargée d'antisémitisme aux banquiers ou aux prêteurs sur gages ?
*cab = cabriolet
*mail = large voie plantée d'arbres souvent réservée aux piétons.
*Gott im Himmel = Dieu du ciel
*Kummel = liqueur néerlandaise , aromatisée avec du carvi, du cumin et du fenouil.
*bouge = café malfamé, cabaret, bordel, maison close
*couvent de l'Ordre du Carmel



***
à propos de l'opérette Brummell  de Reynaldo Hahn
notice sur le site "Encyclopédie multimédia de la comédie musicale théâtrale en France - 1918-1944"
notice sur le site Reynaldo Hahn
Disque numérisé sur le site des bibliothèques spécialisées de la ville de Paris / Médiathèque Musicale de Paris
***
à propos du dandysme (Wikipédia)
Brummell, Barbey, Baudelaire : dandysme et magnificence tragique - Philitt, 2014
Jules Barbey d'Aurevilly - Du Dandysme et de George Brummell (1845) [Wikisource]
La compagnie des poètes - Baudelaire par la cravate - France Culture (2019)


01 janvier 2020

Edgar Allan Poe’s "Alone" : la chanson de la semaine #127

Poésie, romantisme et black metal norvégien 



Ihsahn - Alone titre bonus de l'album : "Àmr" (2018)
Chanteur, guitariste, claviériste, fondateur du groupe Emperor, Vegard Sverre Tveitan, alias Ihsahn, est un musicien norvégien de black metal progressif.
Wikipedia - Allmusic - Discogs



"Alone", poème d'Edgar Allan Poe (1809-1849)
traduction par Charles Baudelaire (1821-1867)

Alone 
From childhood’s hour I have not been
As others were—I have not seen
As others saw—I could not bring
My passions from a common spring—
From the same source I have not taken
My sorrow—I could not awaken
My heart to joy at the same tone—
And all I lov’d—I lov’d alone—
Then—in my childhood—in the dawn
Of a most stormy life—was drawn
From ev’ry depth of good and ill
The mystery which binds me still—
From the torrent, or the fountain—
From the red cliff of the mountain—
From the sun that ’round me roll’d
In its autumn tint of gold—
From the lightning in the sky
As it pass’d me flying by—
From the thunder, and the storm—
And the cloud that took the form
(When the rest of Heaven was blue)
Of a demon in my view—
Seul
Depuis l’heure de l’enfance, je ne suis pas
Semblable aux autres ; je ne vois pas
Comme les autres ; je ne sais pas tirer
Mes passions à la fontaine commune
D’une autre source provient
Ma douleur, jamais je n’ai pu éveiller
Mon cœur au ton de joie des autres
Et tout ce que j’aimai, je l’aimai seul
C’est alors — dans mon enfance — à l’aube
D’une vie de tumulte que fut puisé
A chaque abîme du bien et du mal,
Ce mystère qui toujours me retient –
Au torrent et à la fontaine
Dans la falaise rouge de la montagne –
Dans le soleil qui roule autour de moi
En son or automnal
Dans l’éclair qui volait au ciel et passait
Près de moi pour s’enfuir,
Dans le tonnerre et dans l’orage
Et dans la nuage qui prenait la forme
(Alors que le reste du ciel était bleu)
D’un démon à mes yeux.